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Cyril Ramaphosa, de syndicaliste et homme d’affaires à président sud-africain

L’Afrique du Sud vit une grande transformation politique avec l’entrée en scène de Cyril Ramaphosa. Le nouveau président est méconnu chez nous, mais il a une longue feuille de route dans son pays. Et son parcours atypique suscite beaucoup d’espoirs. Portrait.

Un texte de Sylvain Desjardins de Désautels le dimanche

Il est 14 h en ce 14 février 2018, et Elkanah Leslie, 29 ans, chômeur et père de deux jeunes enfants, est assis devant son téléviseur. Il attend l’annonce officielle de l’élection de Cyril Ramaphosa comme président intérimaire.

La veille, Jacob Zuma a annoncé qu’il quittait sur-le-champses fonctions après neuf années de pouvoir marquées par d’innombrables affaires de corruption.

Après quelques minutes, l’annonce officielle tombe. Elkanah se lève debout, les bras en croix, au centre de sa petite maison de fortune d’une seule pièce : « Je suis content que le vieux soit parti. Maintenant, on peut espérer des jours meilleurs ».

Dans les ruelles voisines, au centre du township d’Alexandra, les enfants jouent, les adultes discutent. Les conditions de vie sont très dures dans ce bidonville de Johannesburg.

L’atmosphère est en général assez lourde, ici. Mais aujourd’hui, les gens sourient.

Calah Savourable, 31 ans, employée d’usine récemment licenciée et mère de deux enfants, se dit convaincue que les choses vont changer.

« Avec Zuma, il fallait constamment payer des pots-de-vin pour espérer trouver du travail. La corruption est partout dans le pays », explique la jeune femme.

Cyril Ramaphosa va faire le ménage. On le connaît, il a toujours réussi ce qu’il a entrepris.

Calah Savourable

Les exploits d’un syndicaliste

Militant antiapartheid de la première heure, Cyril Ramaphosa a fait des études universitaires en droit avant de s’engager dans le mouvement de conscience noire, créé par l’illustre Steve Biko dans les années 1970.

Il s’est ensuite fait connaître dans l’ensemble du pays comme syndicaliste. Dans la biographie qu’il lui consacre, le journaliste sud-africain Ray Hartley raconte que Ramaphosa, un homme « charmant », avait réussi à amadouer les dirigeants des grandes compagnies minières pour mieux se rapprocher des ouvriers.

« Il a progressivement créé un immense syndicat de mineurs qui comptait jusqu’à 350 000 membres. Un exploit! Et il a entraîné tous ces gens à faire la grève. Ça a été le plus important conflit de travail pendant le régime de l’apartheid », raconte Ray Hartley.

Il faut dire que quand cette grève éclate en 1987, les conditions de travail sont carrément inhumaines dans les mines sud-africaines.

« C’étaient de véritables camps de concentration », explique Jay Naidoo, ancien syndicaliste, compagnon de route de Ramaphosa et ancien ministre dans le premier gouvernement de Nelson Mandela.

« Avec cette grève, on touchait au coeur de l’économie de l’apartheid. Les gens étaient jetés dehors, attaqués, emprisonnés et même tués ! C’était une vraie guerre. Et c’est lui qui l’a dirigée. Nous l’avons tous appuyé. Cela a permis au mouvement syndical de naître et de survivre », souligne Jay Naidoo.

C’était évident pour moi que Cyril allait un jour devenir président du pays. Parce qu’il est un leader exceptionnel.

Jay Naidoo

Cette grève épique avait fait une très forte impression chez les plus vieux militants antiapartheid emprisonnés, dont Nelson Mandela.

Quand il est libéré, en 1990, le héros sud-africain s’assure que Ramaphosa soit présent, à ses côtés. Les archives de l’époque montrent le jeune syndicaliste qui tient le micro quand Mandela s’adresse pour la première fois à ses partisans en plein air.

Ramaphosa était alors perçu comme le dauphin de Mandela. Mais les autres dirigeants de l’ANC vont lui préférer Thabo Mbeki comme vice-président et éventuel successeur.

Du succès dans les affaires

Ramaphosa, déçu, refuse alors le poste de ministre qu’on lui offre. Il quitte la politique et se lance plutôt en affaires. Et il obtient beaucoup de succès.

« C’est un homme très pragmatique », précise l’auteur Ray Hartley. « Le fait qu’il ait pu passer du milieu syndical à celui des affaires sans état d’âme le démontre bien. Et quand il a quitté le monde des affaires, il était devenu un homme très riche. Il avait créé son propre conglomérat dont les actifs étaient évalués à plus de 8 milliards de rands (800 millions de dollars) ».

Ironiquement, il était même devenu actionnaire et administrateur de compagnies minières qu’il avait affrontées lors de la grève de 1987.

Le reportage de Sylvain Desjardins est diffusé le 29 avril à l’émission Désautels le dimanche sur ICI Première.

Pas aimé de tous

Un des critiques les plus virulents de Cyril Ramaphosa est un de ses anciens camarades du Congrès national africain (ANC). Moeletsi Mbeki, un homme respecté, est le frère de l’ancien président Thabo Mbeki qui avait succédé à Mandela en 1999.

Ramaphosa a su profiter très tôt du système, croit Moeletsi Mbeki. « Il a largement profité du programme d’émancipation économique, mis sur pied pour aider les Noirs à s’instruire et à se lancer en affaires. Les dirigeants des grandes compagnies sud-africaines ont offert des participations financières à certains leaders politiques noirs en vue, dont Ramaphosa. Ils les ont littéralement enrichis pour s’assurer de leur appui. »

Ramaphosa est un des créateurs de ce système! Il en a été un des principaux bénéficiaires. Et aujourd’hui, les gens croient qu’il va réformer tout ça? Cela m’étonnerait.

Moeletsi Mbeki

« Puisqu’il est déjà très riche, on peut imaginer qu’il n’aura pas besoin de plus d’argent », lance son ancien collègue Jay Naidoo.

« On peut espérer qu’il va exercer sa fonction d’une manière éthique qui nous ramène aux valeurs léguées par notre père Nelson Mandela. Il faut que la corruption soit enrayée dans le pays et que les coupables aillent en prison. Aucune immunité pour ces gens-là. Il doit démontrer que le pouvoir politique doit être au service de la population, pas l’inverse ».

« J’espère qu’il sera un leader sensible »

Vingt-quatre ans après l’arrivée au pouvoir de l’ANC, un tiers de la population sud-africaine est au chômage. Plus de la moitié des enfants du pays n’ont pas accès à l’école.

Après avoir réussi à prendre le pouvoir, les militants antiapartheid ne sont pas parvenus à endiguer les principaux problèmes sociaux. Le défi du développement demeure entier.

C’est sur sa capacité à s’attaquer à ces problèmes que le président Ramaphosa sera évalué, conclut le militant et ancien ministre, Jay Naidoo.

J’espère qu’il sera un leader sensible. Comme Mandela, qui dirigeait le pays avec son coeur. Pas avec la tête. C’est comme ça qu’on construit un pays. S’il réussit à faire ça, il sera un grand président.

Jay Naidoo
Radio-canada

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