En voulant gagner le combat de la quiétude de son second quinquennat à travers l’usure des manifestations de protestation de ses opposants, IBK ne risque-t-il pas de plomber sa gouvernance ? Le malaise social et les menaces de grèves ne sont-ils pas susceptibles de doper les mécontentements populaires contre son pouvoir ? Quid des appuis des partenaires du pays et de l’adhésion aux réformes majeures en vue dans ce contexte de tension politique et…sociale ?
Le pouvoir IBK a visiblement décidé d’ignorer les opposants protestataires qui battent le pavé, presque tous les week-ends, pour dénoncer la gouvernance électorale du pays et les menaces sur les libertés individuelles (récentes arrestations de quelques cadres opposants dont certains ont été ensuite libérés). Mais, à ce rythme, le locataire de Koulouba pourrait laisser se développer des velléités insurrectionnelles menaçant la stabilité d’un pays aussi éreinté par la grave crise politico-sécuritaire de 2012-2013.
En effet, presque chaque week-end, de nombreux opposants se font entendre à travers des manifestations de rue. Lesquelles se déroulent pacifiquement et quasiment ignorer par les pouvoirs publics. Ceux-ci se contenter de faire encadrer les marcheurs par un dispositif sécuritaire admirablement républicain.
Le samedi dernier, également, plusieurs milliers de Maliens ont, une nouvelle fois, manifesté à Bamako, à Nioro du Sahel et à Ségou, à l’appel de l’opposition pour dénoncer la fraude qui a, selon elle, permis la réélection du président Ibrahim Boubacar Keïta et menace d’entacher le prochain scrutin législatif. Cette série de manifestation perturbe un tant soit peu la quiétude sociale. L’on peut craindre qu’elle ne devienne l’enzyme d’une société malienne où des mécontents se comptent à la pelle : les chômeurs et licenciés, des déguerpis, un front social en ébullition, des déçus de la gouvernance, etc…
Or, tout ce bruit ne semble pas émouvoir outre mesure les gouvernants, qui confient qu’autant ces manifs n’occasionnent des dommages sur les biens publics, aucune politique de répression n’est envisagée. Au même moment, la situation préoccupe les partenaires internationaux du pays qui déduisent que ces bruits ne rassurent pas quant à la sérénité d’amorcer des réformes dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix signé en 2015. « Avec autant de Maliens dans les rues dans le pays et au sein de la diaspora, il est évident que les réformes attendues pourraient souffrir d’une adhésion populaire », analyse un diplomate. Avant de relever que la communauté internationale s’attend à un climat plus serein au Mali pour accélérer le processus du retour à une paix définitive.
Cette situation n’a pas empêché le président nouvellement élu, IBK, lors du premier Conseil des ministres de son second mandat vendredi soir le, entamé le 4 septembre, donnant notamment instruction au gouvernement, d’après un communiqué officiel, de « poursuivre avec célérité » l’application de l’accord de paix conclu en 2015 avec l’ex-rébellion à dominante touareg, qui accumule les retards.
Depuis la proclamation le 20 août par la Cour constitutionnelle de sa victoire au second tour le 12 août face au chef de l’opposition Soumaïla Cissé, l’opposition manifeste pratiquement chaque semaine contre la « fraude » électorale. « Au moins 25.000 personnes ont répondu à l’appel de notre Coalition de l’espoir pour réclamer le respect du vote des Maliens et la souveraineté nationale du peuple », a déclaré lors du rassemblement samedi Tièbilé Dramé, directeur de campagne de M. Cissé. « Soumaïla Cissé président, IBK dégage ! », “A bas le président de fait”, pouvait-on lire sur des banderoles brandies par les marcheurs, dont une source policière a estimé le nombre à 12.000. « La lutte continue, pour la liberté d’expression, contre la fraude, le bourrage des urnes et la falsification des résultats », a déclaré le chef de l’opposition.
« Nous ne pouvons pas continuer à vouloir construire une démocratie sur du mensonge, sur de la fraude, sur des malversations de l’administration », a-t-il ajouté, mettant en garde contre le risque d’une « assemblée monocolore », à l’issue des législatives prévues les 25 novembre et 16 décembre. « Nous marchons pour sauver la démocratie en disant non à la fraude électorale », a affirmé l’animateur radio vedette « Ras Bath ».
Avant d’indiquer : « Nous allons nous battre pour l’aboutissement des plaintes introduites contre les membres de la Cour Constitutionnelle ».
L’on est à proximité d’une crise politique majeure quand certains opposants n’excluent pas la possibilité de boycotter les prochaines élections législatives. « Ce que nous avons vu pendant cette présidentielle tend à prouver que le Mali ne peut organiser d’élections crédibles et transparentes », a dit Mamadou Cissé, un manifestant résidant en France, jugeant inconcevable de tenir un nouveau scrutin dans les mêmes conditions.
Pour pays aussi laminé par la menace terroriste avec des occidentaux ne cessant de décourager la destination Mali à leurs ressortissants, l’on retient le souffle à Bamako et ailleurs. Le tourisme malien est déjà au fond de l’abîme et de nouvelles déflagrations sociales dissuaderont définitivement de potentiels investisseurs à aller vers le Mali. Ce qui, à coup sûr, plombera le bilan du président de la République réélu et qui a dédié ce second mandat à la jeunesse.…
Or, nul n’ignore l’impact d’un climat politique apaisé sur les chances de succès de la gouvernance du pays. En optant pour une certaine surdité à l’endroit des bruyantes protestations des opposants, IBK pourrait dangereusement laisser s’exacerber la crise dans son pays. Il est donc temps de siffler la fin… de la récréation !