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Centenaire de la naissance de Modibo Kéita : Hommage au premier Président du Mali et ses compagnons

“La France est veuve». Tels sont les mots prononcés par le Président Georges Pompidou le 10 novembre 1970, à l’occasion du décès du Général De gaulle. Pour ma part, la paraphrase est osée, en raison de fortes similitudes entre les deux personnalités, nonobstant des divergences politiques évidentes. Ainsi le 16 mai 1977 ” le Mali est devenu veuf ” de son Président fondateur. Premier  Président de la République du Mali, démocratiquement élu au suffrage universel indirect, Modibo Kéïta (et ses compagnons), nous a conduits à la lutte et à la victoire pour l’indépendance en 1960. Il a donné au Mali contemporain son indépendance, ses institutions, son rayonnement dans le monde.

Modibo DABA Keita PREMIER PRESIDENT DEPUTE SOUDAN TAOUDENI PRISONNIER PUTSCH

Pour ce centenaire, inclinons nous devant ce grand homme, mesurons les devoirs que nous impose la reconnaissance, jurons au Mali de ne pas être indignes de son parcours, et que l’âme Nationale, Modibo vive éternellement.

Entre l’histoire et la Politique, il y’a la mémoire, la mémoire est un acteur politique.

Quelle ne fut notre surprise, à l’annonce de la mort du Premier Président de la République du Mali, le communiqué laconique, dont on se souviendra longtemps la malheureuse et fameuse formule ” Modibo Keita, ancien instituteur à la retraite “.

Une phrase qui a tout ruiné, malgré cette bourde retentissante, tout le Mali, va pourtant porter le deuil, suivi de répression, de vagues d’arrestations et d’exactions. Et au grand dam du peuple Malien.

Durant plus d’un quart de siècle, ces tombeurs et ces ennemis viscéraux l’accuseront de tous les noms d’oiseaux, et en firent un sujet de polémiques virulentes, de combats sans merci et de stigmatisations féroces.

Mort, voilà qu’on lui rend grâce à son centenaire, et qu’on le panthéonise presque parmi les hommes illustres. Surgissant là, où on  ne l’attendait pas, comme toujours.

Les funérailles du Président Modibo Kéïta, en 1977, le propulse en personnage hors normes, pleuré en larmes de sang par la jeunesse du Mali. un hommage quasi- unanime, véritablement sincère.

Au centenaire de sa mort, il rassemble au contraire, comme si les Maliens transportaient en tombe avec lui un morceau de leur histoire, la nostalgie de l’espérance et le symbole de la reconnaissance.

Les  journées centenaires, dédiées au Président Modibo, que j’ai suivi en direct devant le petit écran à 5000 Km du Mali, le discours du Président Ibrahim Boubacar Kéïta, avec sa magie du verbe, a été excellent et impérial.

L’exposé du Président Ibrahim Boubacar KEITA, homme réellement cultivé, a largement constitué un véritable plébiscite du Président Modibo, avec des mots d’une rare élévation qui resteront dans les mémoires.

En l’écoutant attentivement ce jour, il était épique. C’était un roman National.

Avec  cette sortie (merveilleux outing) du Président IBK, le Président Modibo, vient ainsi de solder ses comptes avec l’histoire, sans doute aussi avec la postérité.

1* 19 NOVEMBRE 1968 :  COUP D’ETAT

Je garde novembre 1968 en mémoire, sans rien ignorer de ses excès.

Le 19 novembre 1968, la foudre est tombée sur la tête des Maliens.

Suffoquée de surprise, atterrée et alarmée, une large majorité des maliens estourdie découvrent avec stupéfaction et consternation une junte militaire  s’emparer du pouvoir, par un véritable coup de force, à la hussarde. Inexpérimentée, le moins qu’on puisse dire, la plupart, et sans grand niveau, accéder aux responsabilités suprêmes.

Le surgissement de ce quarteron d’officiers subalternes totalement disqualifié, impréparé, traumatise plus d’un malien.

L’interrogation principale de l’époque était la suivante : ce grand pays peut il être gouverné par ces néophytes ?

Leur apparition sur la scène politique, va provoquer la plus profonde césure de notre histoire  contemporaine.

Après quelques années d’exercices  du pouvoir, l’immense majorité des Maliens, ont un insupportable sentiment de gâchis.

La République a été amoindrie, abaissée et abimée .Ce qui consacrera le parcours chaotique du CMLN” Comité Militaire de Libération Nationale

Sur ces entrefaites, deux grandes dates ont marquées mes classes politiques.

Une blessure que je porte sur moi, comme ceux de ma génération, le 19 novembre 1968.

J’étais adolescent, j’ai rêvé avec Modibo, jeune pionnier à l’édification du Mali nouveau dans ses réalisations.

J’en revendique les avancées. Une épopée exceptionnelle dont on s’honore.

L’autre date, qui reste marquante dans ma mémoire est plus heureuse, c’est le 26 mars 1991 : l’effondrement de la dictature. Ensuite, l’alternance, enfin, le bonheur de la victoire des forces progressistes au Mali.

J’applaudis à l’avènement de la IIIème République  et salue le passage de l’ombre à la lumière (Exit Jack Lang, victoire socialiste de François Mitterrand en mai 1981), d’une certaine manière, il s’agissait d’une renaissance.

Le 26 mars, incarne, une résurrection du peuple. Une page politique et historique se tourne.

A propos de l’épisode du 19 novembre 1968, permettez moi d’évoquer une histoire personnelle sans acrimonie, et à cet effet, j’assume ma part de subjectivité, rien ne justifie mon silence près de 40 ans.

Le 19 novembre 1968, a-t-il pour autant livré tous ses secrets ?

Le 19 novembre 68, la junte paniquée, dans la défiance quasi générale, a lancé une grande chasse à l’homme des dirigeants du régime déchu.

Certains personnages majeurs dont Attaher Maïga, ministre du commerce et Mamadou Diarrah commissaire politique, député maire de KOULIKORO , symboliquement stoiques jusqu’au bout, ont eu la dignité majestueuse de se constituer prisonniers politiques, comme blandine ( sainte) s’est livrée aux lions . Incarnant ainsi la fidélité de Pénélope, rien qu’en tissant sa laine.

Attaher Maiga et Mamadou Diarrah ont personnifié cette belle vertu à mes yeux, (aujourd’hui comme hier) la geste  Gaullienne, la fidélité qui était consubstantielle en eux.

Un comportement qui témoigne  d’une loyauté homérique au régime de l’USRDA. Ils ont été fidèle dans l’épreuve.

2* MODIBO ET SES COMPAGNONS : EQUIPE DREAM TEAM

Si Modibo, avait un prestige sans commune mesure, son bilan, son envergure, il le doit fondamentalement à la qualité supérieure de ses compagnons.

Sans emphase, le Président Modibo, aimait charnellement le Mali, il était profondément pénétré par l’idée d’une nation Malienne.

A cet égard, il disposait d’une équipe ” Dream team” de rêve dont le vide a manqué la vie politique Malienne pendant des années.

Il pouvait se tromper, mais rien de ce qu’il entreprenait n’était médiocre. Politique et morale rimaient. L’affairisme n’a jamais gagné la vie politique.

Ces dirigeants étaient presque le paragon de l’ordre moral, d’une honnêteté au dessus de tout soupçon, et  promenaient un visage de grand dignitaire du Mali.

Dans l’ensemble, c’étaient des hommes d’Etat brevetés.

Une équipe, dont l’image n’a jamais été obscurcie par l’essaim d’affaires politico-financières.

Dans leur vie publique, ils n’étaient marié qu’au Mali, par un amour inconditionnel .Ils ont mis au service du Président Modibo, toutes leurs capacités et leur fidélité jusqu’au bout.

3* LA POLITIQUE ETRANGERE

La politique Etrangère du nouvel Etat avait pour vocation la réalisation d’une unité africaine et l’établissement de relations d’amitié et de coopération avec tous les pays du monde sans exclusive.

“L’Union Soudanaise RDA, fidèle à sa volonté unitaire , inscrit à l’article 48 de la constitution du 22 septembre 1960 que “ La République du Mali, peut conclure avec tout Etat africain des accords d’association ou de communauté, comprenant l’abandon partiel ou total de souveraineté en vue de réaliser l’unité Africaine “

“Le Mali continue donc, aux lendemains du congrès de 1960, à œuvrer pour la réalisation de l’Unité Africaine “ Etude documentaire tome II la conquête de l’indépendance et l’édification du nouvel Etat du Mali. Daba Diawara.

En matière de politique étrangère, le bilan reste nettement positif.

Le Président Modibo Kéïta, a été un chef d’Etat visionnaire , respecté, et écouté sur la scène Internationale voire l’une des grandes voix africaines les plus sollicitées.

A cet effet, je trie celle qui me semble la plus frappante et qui a vraiment marqué les esprits. Un moment culte.

Le 29 octobre 1963, le Président Modibo Kéïta, réconcilie à Bamako le roi du Maroc (Hassan II) et l’Algérie (Ahmed BEN BELLA) en présence de l’empereur d’Ethiopie (Hailé Sélassié).

La médiation du Mali, permet ainsi de mettre un terme à la “ guerre des sables” qui opposait à l’Algérie, grâce à la conclusion d’un cessez le feu qui entra immédiatement en vigueur.

Des résultats économiques   avérés, tangibles et mémorables

Le plan quinquennal a été la boussole pour le développement économique et social de la nation.

L’auteur intellectuel dudit plan a été le Docteur Seydou Badian Kouyaté.

Il fixe les objectifs à atteindre dans chaque domaine. Et a été adopté par l’assemblée nationale le 17 Août 1961.

Il indique au peuple du Mali, le chemin à suivre ( pour les 5 ans à venir), et l’avenir vers lequel il s’achemine .

Il prévoit le développement de l’agriculture et de l’élevage, l’installation des industries de transformation, d’exploitation de nos ressources naturelles. Il tient compte de tous les atouts et richesses du pays, pouvant permettre à notre peuple de réaliser des bonds qualitatifs dans l’édification du Mali nouveau.

Le Bilan de quatre (4) années du plan quinquennal a été édifiant.

Notre économie essentiellement de traite sous le régime colonial a été fondamentalement transformé dans tous les domaines : agriculture, commerce, banque, transport, industrie.

Le plan quinquennal n’a pas été un mythe. Il faut saluer les capacités réformatrices de l’union soudanaise RDA, en s’engageant résolument dans la modernisation du pays.  Il a fait chaque jour un peu plus.

Le plan se donne trois objectifs dans le domaine rural :

– La réorganisation du monde rural dans la perspective d’un développement socialiste.

– La mise à la disposition de la paysannerie des moyens permettant d’améliorer sa productivité

– L’introduction de cultures nouvelles  afin de diversifier davantage la production.

La réorganisation du monde rural est entreprise à travers la nationalisation de l’office  du Niger, un nouveau système d’intervention de l’Etat et la transformation socialiste du monde rural.

Le plan prévoit 70.000 ha nouveaux en plus de 40.000 existants.

Sur la première tranche, plus de 20.000 ha ont été  aménagés et se répartissent suit :

*Région de Bamako : 1816 ha

*Région de Ségou : 7850 ha

*Région de Sikasso : 1500 ha

*Region de Gao : 1370 ha

L’office du Niger a pu dépasser de 600 ha, son programme annuel de 4.000 ha.

Sur les 15.000 ha inscrits au plan, 5000 ha de terre à coton ont été plantés. (Etude documentaire tome II, la conquête de l’indépendance et l’édification du nouvel Etat du Mali) Daba DIAWARA

Un an après le lancement du plan Quinquennal, il ressort la création près d’une vingtaine de sociétés et entreprises d’Etat.

Je livre ici, les plus frappantes, les plus significatives, et les plus pittoresques.

Les grands marqueurs que l’on retiendra :

La Somiex (la société malienne d’importation et d’exportation), était destinée entre autres à mettre fin aux super bénéfices que réalisait le commerce privé.

Elle assurera la grande distribution des produits de première nécessité sur toute l’étendue de notre territoire à des prix très bas.

Le prix du sucre était vendu au même prix à Bamako qu’à Gao.

Le cas de la pharmacie populaire du Mali est saisissant, il suffit de prendre

cet-autre exemple : celui du vaccin anti polio vendu par la pharmacie populaire à six cents (600 francs) et revendu par les pharmacies privées à mille six cent quatre vingt quinze(1695) francs, est un contraste impressionnant. Sur un tout autre registre, il faut considérer  les résultats concrets obtenus notamment dans la création de la banque de la République du Mali (BRM) de la Régie des transports du Mali (RTM), des transports urbains de Bamako (TUB), de la banque populaire pour le développement (BPMD) et la compagnie aérienne Air Mali.

Le plan quinquennal, quoique très ambitieux, a atteint globalement sa cible.

Ce plan qui s’inscrit dans la durée a ouvert le boulevard à de grandes et belles initiatives à tous les régimes qui se sont succédé au gouvernement de l’union soudanaise RDA.

Le plan a été une vraie marque de fabrique dans l’histoire politique contemporaine du Mali.

Pour clore ce chapitre, je cite “une des justifications économiques du socialisme était, selon le Président Modibo KEITA ” qu’il n’y avait pas de capitalistes maliens, pas d’industrie et de société  commerciales Maliennes “, il dénonce par la même occasion la stérilité de l’activité commerciale issue de l’époque coloniale “(Dionké Diarra, thèse pour le Doctorat d’Etat en sciences économiques, Paris II septembre 1986, pages 71 et suivantes).

– la révolution politique doit ouvrir la voie à la révolution économique, sociale et culturelle. Tout cela, était impossible dans le cadre du régime capitaliste fondé sur la loi du profit maximum d’une poignée d’hommes, force est donc de nous engager dans la voie du socialisme scientifique en nous appuyant sur l’enthousiasme des masses populaires ” (exit Modibo Kéîta). (Abdoulaye Charles Danioko. Contribution à l’étude des partis politiques au Mali de 1945 à 1960, thèse de Doctorat du 3e cycle, Paris, avril 1984 (pages 501 et 502).

L’histoire retiendra que sur un espace de temps relativement court , des usines ont poussé comme des champignons et des milliers d’emplois ont été crée. En revanche, il est vrai que ces entreprises ne furent pas toujours des exemples de bonne gestion, comme cela a été observé et critiquer en son temps.

Cet épisode dont il est question, mérite qu’on s’y attarde pour une exégèse.

Il reste de nos jours, que la bonne gestion  d’une entreprise, n’est l’apanage d’aucun concept ou régime économique et juridique.

Capitalisme ou Socialisme ?

Etant entendu que le capitalisme se construit par antithèse du socialisme.

En France présentement, en termes d’entreprises, l’indicateur global est au rouge.

Les faillites d’entreprises abondent.

Les défaillances de ces entreprises sont édifiantes en 2013 et 2014.

– 2013 : 12790 ont déposé le bilan, soit une hausse de 7,5 par rapport à l’été 2012. (Monde Economique en date du 23 janvier 2015, Denis Cosnard).

– 44.900 entreprises : c’est le nombre d’entreprises qui ont fait faillite depuis 2013 en France, selon l’étude du cabinet  Altares publié mardi  15 octobre 2014 (Monde Economique).

Les faillites d’entreprises enregistrent un nouveau record en 2014.

Les défaillances d’entreprises augmentent encore de 1% en 2014 à 63400.

Les grandes entreprises ne sont pas épargnées (Figaro-Economie du 21 novembre 2014).

4*J’affectionne à penser qu’il subsiste, dans cette épopée modibiste, une trace, pour le présent et l’avenir, une méditation qui nous est utile en 2015.

Qu’il ait eu des erreurs, c’est un fait. C’est sacrément humain. Qui n’en commet pas ? Et les erreurs sont nourrissantes. Au total, avec la distance du temps, une forte Majorité des maliens (mémoire collective) considèrent que les dirigeants de l’union soudanaise RDA, en dépit  des erreurs voire des fautes commises dans le feu de l’action, ont mérité de la patrie. Ils ont été les pionniers de l’indépendance. Ils ont jeté les fondements de l’édification d’un état moderne : le Mali. Ils ont imprimé. Et l’histoire en guise de reconnaissance s’est chargée  de les ressusciter  comme Lazare. Et de la manière la plus élégante du monde. Le 19 novembre 1968, le régime de l’USRDA  a vécu. Et les Maliens ont souffert comme une damnée près d’un quart de siècle, aussi longue que terne.

Presque à un demi-siècle du régime de l’USRDA, je ne regrette rien. Je ne renie rien.

C’est un jugement sans appel.

Modibo ” Vivant, il a manqué le Mali-  MORT, il le possède “.

Comme l’a écrit châteaubriand à propos de Napoléon. L’impression d’un grand destin d’inachevé.

“Mazarin est d’une autre étoffe que Scapin ”

Gaoussou DIARRAH

*Docteur d’Etat en Droit

Université AIX MARSEILLE III

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