Voyager sur l’axe Dakar-Bamako est un véritable calvaire. Les Sénégalais comme les Maliens ayant leurs pièces ou pas (carte d’identité, passeport) surtout en terre malienne doivent laisser assez de billets de banque aux forces de l’ordre. A chaque poste de contrôle, ceux-ci sont obligés de faire le pied de grue pour requérir l’indulgence des forces de l’ordre dont certaines semblent s’accommoder de la situation. Cela d’autant qu’elles y trouvent une occasion de racketter. Mais à qui la faute ? Lisez plutôt ce carnet de voyage !
Après six mois de fermeture des frontières entre le Mali et les pays de la CEDEAO, c’était la grande joie chez les voyageurs maliens comme étrangers croisés à la gare des beaux maraichers de Dakar ce mardi 12 juillet. Dame Camara se dit soulager car elle était venue voir sa fille qui a accouché le mois de juin dernier. Obligé de traverser la frontière avec assez de difficulté car au finish elle a déboursé la somme de 35.OOO FCFA, avant de pouvoir faire la traversée de la frontière. Aujourd’hui où la frontière est de nouveau ouverte elle se dit soulager de regagner Bamako sans trop de tracasseries.
Tandja le chef escale de la compagnie Benso Transport, quant à lui se dit heureux car après six mois de galère il est très heureux de relancer à nouveaux les bus, car il était vraiment temps que l’on lève cet embargo qui les a causés assez de tort. Et pour cette reprise du trafic routier, les compagnies maliennes ont sorti l’artillerie lourde. Car les trois compagnies qui desservent en ce moment la capitale sénégalaise ont chacune affrété trois car pour lancer la reprise des activités.
Très heureux de cette reprise, le chef escale de la compagnie Sonef, soutiendra : « On n’attendait cette réouverture avec impatience car nos bus étaient pour la plupart stationné à Bamako sans activité. Ce qui nous a causé assez de préjudice car nous avons acquérir de nouveau bus avec des prêts auprès-s des banques que nous devions rembourser. Donc imaginer vous ce que cela pourrait causer comme préjudice à notre compagnie si jamais on n’ouvrait pas les frontières de sitôt. »
Des commerçants étaient visiblement très heureux de cette reprise, car certains avec qui nous avons échangés ont soutenu qu’ils ont passé presque deux mois à Dakar car ils ne savaient pas comment acheminer leurs marchandises vers Bamako. La joie se lisait sur le visage de tous. Du monde il y en avait car la reprise effective pour le premier départ de Dakar pour Bamako a été programmée par les compagnies pour le mardi 12 juillet 2022. Etant donné que lundi étant jour férié au Sénégal car la célébration de la fête de Tabaski s’est déroulée le dimanche 10 juillet.
Pour Tandja de la compagnie Benso Transport, il dira que malgré que les frontières aient été ouvertes le 3 juillet, ils ont préféré desservies les lignes au plan national, afin de transporter les Maliens vers l’intérieur du pays pour aller célébrer la fête de Tabaski en famille. Une manière aussi pour nous de roder nos bus, afin qu’ils puissent reprendre le trajet Bamako Dakar sans problème.
Du monde il y avait pour regagner Bamako car les premiers bus affichaient quasi pleins dés les deux premiers jours de cette reprise des activités des compagnies de transport.
Quelques mouvements d’individus m’indiquent que le bus est probablement prêt pour le départ. Plutôt bon signe. On partira sans doute à l’heure! Cependant, mes espoirs s’atténuent rapidement à la vue de la cohue engendrée par les passagers pressés de caser tous leurs bagages dans les soutes. On se bouscule de peur de ne pouvoir tout y entasser. Les convoyeurs commencent à charger les valises, cartons, sacs et autres colis dans les coffres et réalisent ensuite qu’ils ne peuvent fermer les portes. Donc… on enlève tout et on recommence. L’opération sera renouvelée 2 fois. Désolant de bêtise. Finalement, à grands coups d’épaules, ils arrivent à fermer la dernière porte.
Ce vendredi 15 juillet 2022. 11 H 25 mn. Le car de la compagnie Transport Benso, sort de sa gare des Beaux maraichers de Dakar pour Bamako. Benso Transport est une compagnie malienne qui, comme bien d’autres, assure la liaison par la route, entre Bamako et Dakar. Le car est climatisé. À son bord, une soixantaine de passagers. La plupart sont des adultes, hommes et femmes. Il y a également dix gamins, six fillettes de 3 à 10 ans environ, 2 garçons dont l’âge oscille entre 5 et 7 ans et deux bébés, les regards perdus dans ce car chargé. Assis au siège numéro 36, j’ai pour voisin immédiat ma fille de six ans, qui vient à Bamako pour les vacances et profiter pour suivre son traitement.
Aucun souci jusqu’à Kidira
Aucun souci jusqu’à Kidira, la dernière ville en terre sénégalaise. Bien avant sur le tronçon Dakar Kidira à part quelques escales pour permettre aux passagers de se soulager ou prier, aucun obstacle. Pas d’embouteillage sur la route car les Dakarois pour la plupart sont encore dans la mouvance de la fête de Tabaski. En plus la route est en parfait état. Après deux heures de route, première escale : Kaolack.
Il est 13 h 30 mn. Le convoyeur accorde 25 minutes aux passagers pour se soulager. Certains descendent du car et disparaissent un moment, puis réapparaissent pour reprendre leur place. D’autres restent à leur place, toujours plongés dans le sommeil.
13 H 55, le car reprend la route, en direction de Kafrine. Sur ce tronçon également, tout se passe très bien. Aucun coup de sifflet. Aucun ralentissement, Aucun arrêt. Le car roule à une allure normale, permettant ainsi aux passagers d’admirer le beau paysage. La savane arborée qui a reverdi, après les premières pluies.
17 H 05 mn, Koungheul. Les commerçants sont beaucoup plus nombreux aux abords de la voie principale. Les magasins sont ouverts. Les taxis, tricycles et autres motos taxis ont également repris du service. Les klaxons aussi. Ici, il y a beaucoup de motos. On se croirait à Ouaga ou Bamako. Étrange, comme les villes africaines se ressemblent le plus souvent !
Tambacounda, ville sans intérêt. Un arrêt d’une dizaine de minutes pour » se soulager ». Il est 18 H 45 mn et on repart. Le rythme est excellent. On pourrait arriver vers vingt heures et ça me réjouit. Enfin on arrive à Kidira et le car part stationné au poste de la police frontalière de cette ville. Les éléments de la police se déploient pour le contrôle des pièces d’identité. On m’informe que les étrangers doivent s’acquitter de la somme de dix mille francs CFA. Nos pièces sont entre les mains des policiers qui nous invitent à les suivre dans la cour. Lors de la causerie avec le chauffeur du bus, il me fait savoir que lors de la fermeture des frontières, chaque passager était dans l’obligation de s’acquitter de la somme faramineuse de dix mille francs CFA. Et il espère que cela va diminuer vue que nous sommes dans la normalité en ce moment.
L’appel commence et je suis le premier à être appelé. Je m’exécute et me dirige vers l’entrée où sont entassés les forces de sécurité. On me demande ma carte de presse je le présente et le policier appose son cachet sorti sur mon passeport. L’agent me souhaite un bon voyage et je sors de leur cabine.
Après moi c’est le tour des Maliens et des étrangers dans le bus. A leur sortie j’accoste un des passagers et il me fait savoir qu’il vient de s’acquitter de la somme de 10.000 FCFA. Mais je lui demande mais pourquoi cela. Il me fait savoir que ce n’est pas étonnant car au niveau du Mali c’est encore pire. Les sénégalais de leur coté sont exempt de débourser de l’argent. Mais leur mésaventure commencera une fois sur le territoire malien. Après quarante minutes de contrôle, le car prend le départ pour la ville Diboly, la première ville du côté malien. Là on informe par ailleurs qu’il n’y a que de racket de la part des policiers côté Malien. Une fois sur le territoire malien, les réalités changent.
La situation entre la frontière sénégalaise et malienne donne déjà du tournus aux voyageurs. Entre la frontière et Bamako, il y a, au total, quatre (4) postes de contrôle. Pour une distance d’environ 650 km. En effet, après les formalités de police, comme sur le sol sénégalais, les Sénégalais et les étrangers doivent aussi s’acquitter de la somme de 10.000 FCFA. Pire, étant malien quand la carte d’identité est expirée vous devez payer la somme de 20.000 FCFA. La colère monte d’un cran quand la police demande à une passagère burkinabé de payer la somme de 15.000 FCFA. Dans tous ses états la bonne dame refuse catégoriquement de s’acquitter de cette somme. Après des minutes de palabre tout rendre dans l’ordre. Le car reprend son chemin, avant le poste à péage de Diboly, un autre poste de contrôle de la police. On assiste au même scénario comme à la frontière. Les passagers se plaignent même les Maliens qui sont exemptés de payer sont en colère. « Comment on peut faire ça entre nous africains. Du coté sénégalais on a payé qu’une seule fois, mais ici au Mali trop de tracasseries, s’indigne une passagère malienne. »
Après plus de trente minutes d’arrêt, nous faisons un détour à la douane. Après quelques vérifications et un contrôle léger, nous pouvons reprendre la route pour Kayes. Il est 22H 35.Il aura fallu deux bonnes heures pour passer deux frontières.
Après le péage de Diboly, nous allons être confrontés à un sérieux problème. En effet les camions remorques ont carrément stationnés sur la route nous contraignants à dormir à la belle étoile jusqu’au lendemain avant de reprendre notre chemin. Vraiment la colère se lisait sur tous les visages. Après une nuit chaotique nous reprenions notre chemin grâce à l’intervention des policiers le samedi matin aux environs de 7h.
Après environ 2 km de route, nous sommes à Kayes. A l’entrée de cette ville on trouve le troisième barrage. Il est tenu par des policiers. Ils sont une dizaine. Les policiers en tenue bleue et noire. Tous robustes et de teint noir, bien beaux dans leurs tenues. Le convoyeur demande à tous les passagers de descendre, pour permettre aux policiers de contrôler les pièces. Les uns après les autres, nous descendons du bus où le policier qui est pointé à la porte récupère la Carte nationale d’identité ou le passeport. Tous ceux qui n’ont pas l’une de ces deux pièces à jour, sont invités à suivre l’agent en question. Ils en ressortent un peu plus de 2 minutes et rejoignent le car. Que vont-ils faire là-bas ? « On paie 2000 Francs là-bas », répond la dame burkinabé à qui je pose la question.
On reprend, la route après une pause de 25 minutes à Kayes pour permettre aux passagers de mettre quelque chose sous les dents et permettre aussi aux voyageurs qui descendent à Kayes de récupérer leurs bagages. La voie n’est pas bonne du tout, assez de nids de poule, ce qui ne permet pas au véhicule d’aller à son rythme voulu, Besoin de rattraper le temps perdu. Mais il lui sera impossible de rattraper le temps perdu aux différents barrages et avec l’état de la route. À cause aussi de certains passagers, une dizaine, sans pièces. Et ça prend du temps : descendre, parlementer et payer.
Des nids de poule partout
Les premières difficultés commencent à la sortie de Kayes. Le car, à des intervalles irréguliers, tombe dans des nids de poule pour ne pas dire des trous d’hippopotames. Tout cela irrite mon voisin d’en face, qui engage la causerie avec moi. Il veut tout savoir. Comment une route internationale peut-elle être dans un tel état de dégradation avancé ? Mais il y a beaucoup de dos d’ânes. Au moins trois, par village. Un à l’entrée, un au milieu et un autre à la sortie. Or, il y a au moins 45 villages entre Kayes et Diéma. Quel petit calvaire !
Et chacun se met à prier du fond du cœur, afin que Dieu nous épargne d’un malheur. Qui plus est, la route sur l’axe que nous avons entamée, est fortement dégradée. Et, les véhicules ne pouvant rouler à plus de 50 km/heure, les fourrées qui bordent de surcroît la route constituent un véritable repère des coupeurs de route. Sur ce tronçon où la mort violente rôde tous les jours, les soucis sont permanents. Les transporteurs sont obligés de s’assurer les services de l’escorte militaire. Pour eux, la solidarité s’impose. Aussi s’organisent-ils en convoi de plusieurs véhicules. Un moyen de dissuasion contre les bandits de grands chemins qui n’osent pas s’attaquer à une colonne de véhicules. Mais cette stratégie a ses limites.
Malheur, dit-on, au véhicule qui subit une crevaison ou une panne quelconque et qui se voit obligé de s’immobiliser en pleine brousse. « Ils peuvent juste vous tuer pour le plaisir de le faire pour étancher leur colère. Les risques sont permanents sur cet axe mais on n’a pas le choix, on est obligé de faire avec », explique le second chauffeur de notre bus. Mais, l’escorte, si elle sécurise les transporteurs et les passagers, n’est pas un service gratuit.
Selon le chef de gare de la compagnie que nous avons empruntée, l’escorte d’un car revient à 50.000 voire 70.000FCFA. C’est que la zone d’insécurité où opèrent les coupeurs de route est bien circonscrite entre Kayes et Diéma. Après Diéma, nous voici encore une fois dans les secousses. Le reste du voyage sera stressant jusqu’à Didiéni. Encore de longues journées à passer dans cet engin conduit par un chauffeur si prudent. Point d’excès de vitesse. ! Il sait qu’il tient la vie de plus d’une soixantaine de passagers.
Bamako, n’est plus loin, mais…
21h20, nous sommes dans la zone de Nossombougou. Sur la route, aucun obstacle majeur. On s’endort par moment. Il n’y a pas de barrages. Les voyageurs sont ballottés de temps à autre. Mais la situation est moins cauchemardesque que sur le tronçon Kayes-Didiéni. Pour rallier Bamako, le voyage est interminable et tout sauf agréable non pas du fait de la distance mais de l’état calamiteux de la route.
Après un long voyage, plus de 20h, j’arrive enfin, à Bamako, à 22 H 25 mn. On serait certainement arrivés plus tôt, si le tronçon n’était pas parsemé de dos d’âne, de nids de poule, de stationnements anarchiques des gros camions sur la chaussée et des multiples contrôles des forces de sécurité. Quelle est longue et fatigante la route qui mène à l’intégration…
C’est épuisant et fastidieux. Surtout pour les vieilles personnes, les femmes enceintes, les nourrices et les enfants. Or, nous aurions pu arriver beaucoup plus tôt, n’eussent été les nombreux obstacles. Embarquer à Dakar pour Bamako par la voie terrestre reste une aventure douloureuse. Pour deux Etats qui souhaitent renforcer leurs coopérations, autant dire que de véritables freins à l’intégration parsèment les routes.
Source: Le Point-Mali