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Boubou Cissé : « Le Mali doit prendre une dimension industrielle »

Selon le ministre des Finances, le Mali est sur la bonne voie. Même s’il doit encore se moderniser et diversifier ses activités pour remobiliser les investisseurs locaux et étrangers.

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Passé du portefeuille des Mines à celui de l’Économie et des Finances en janvier, Boubou Cissé, 41 ans, bénéficie d’une réputation d’homme sérieux, rigoureux et intègre. L’économiste bamakois est entré à la Banque mondiale en 2005, quelques mois après avoir obtenu son doctorat à l’université d’Aix-­Marseille.

D’abord en poste à Washington (2005-2009), il a ensuite été l’économiste principal de l’institution à Abuja, puis à Niamey, jusqu’à sa nomination à la tête du ministère malien des Mines, en septembre 2013. Il y a gagné la confiance de ses pairs, notamment en faisant annuler 130 permis lors de la révision des contrats miniers.

Six mois après avoir pris les rênes du ministère de l’Économie et des Finances, Boubou Cissé poursuit les efforts engagés par son prédécesseur, Mamadou Igor Diarra. Son principal défi : rendre la croissance inclusive, et perceptible par l’ensemble des Maliens.

Jeune Afrique : Le taux de croissance attendu pour 2016 reste supérieur à 5 %. Peut-on parler pour autant d’embellie ou d’émergence ?

Boubou Cissé : L’émergence est une notion floue qui varie d’un spécialiste à l’autre. Pour moi, c’est lorsque le PIB par habitant est inférieur à celui des pays développés mais sur une trajectoire ascendante. Dans ce cas, on peut dire que le Mali est sur la bonne voie.

Mais, pour aller plus loin, il nous faut renforcer notre base productive, améliorer la gestion des dépenses publiques et moderniser notre économie pour attirer le maximum d’investisseurs étrangers. C’est le cap que nous nous sommes fixé à travers le Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable [Credd 2016-2018, doté d’une ligne de crédit budgétaire de 3 440 milliards de F CFA, soit plus de 5,2 milliards d’euros].

La persistance de bons indicateurs macroéconomiques n’est-elle pas due avant tout à un phénomène de rattrapage et à la reprise de l’aide multilatérale ?

L’aide est importante, mais pas si déterminante que cela dans un pays qui vit essentiellement d’une agriculture de subsistance et du secteur aurifère. Il est vrai que, depuis 2012, le Mali a connu une croissance assez robuste, peut-être parce que nous faisons des efforts en matière de bonne gouvernance. Nous avons maîtrisé l’inflation [à 1 % en 2015], le solde budgétaire de base [à 0,5 % du PIB] et la dette extérieure [à 24 % du PIB]. Le FMI a récemment donné son satisfecit sur la gestion de l’économie malienne.

Il n’y aura pas de développement au Mali sans développement régional.

Pourtant, on est loin de ressentir cette « croissance robuste » sur le terrain…

Depuis trois ans, beaucoup d’efforts ont été déployés, notamment pour faire revenir la confiance. D’abord, on a amélioré le niveau de vie des fonctionnaires en relevant l’indice des salaires pour la première fois en vingt ans. Par ailleurs, nous avons voulu que la baisse du prix du baril soit répercutée sur le pouvoir d’achat des Maliens en diminuant le prix du litre d’essence à la pompe de 70 F CFA en huit mois.

Le développement des régions septentrionales reste-t‑il prioritaire ?

Il n’y aura pas de développement au Mali sans développement régional. Lequel se fera sur le long terme et à condition de mettre un accent particulier sur l’éducation, car pour relever le défi nous avons d’abord besoin de ressources humaines compétentes et qualifiées. Dans le Nord, dans les régions désertiques, l’élevage, qui est l’activité principale, a fait ses preuves. Mais il va falloir créer d’autres activités, non tributaires de la pluie, de nouveaux métiers et des services.

Qu’est-ce qui peut et doit être amélioré sur les plans structurel et sectoriel ?

Nous devons absolument sortir de la dépendance au coton et à l’or. Au Mali, depuis cinquante ans, les taux de croissance sont irréguliers car intimement liés à ces deux filières, qui restent les principales sources de revenus de notre pays.

La priorité est donc de diversifier notre économie. Il faut par ailleurs prendre une dimension industrielle, par exemple sortir de l’agriculture de subsistance pour investir dans l’agroalimentaire. En outre, le Mali recèle d’autres richesses naturelles : de la bauxite, du manganèse, du phosphate, beaucoup de calcaire et de diamants. Ce sont des filières à exploiter. Enfin, nous devons aussi développer l’énergie solaire, d’autant que nous ne manquons pas de soleil.

La situation d’Énergie du Mali (EDM) est-elle en voie d’amélioration ?

La compagnie a coûté beaucoup d’argent à l’État, qui a dû régulièrement éponger ses dettes. L’État en est l’actionnaire principal, à plus de 70 %, et Aga Khan, l’autre partenaire stratégique, étant en train de se retirer, nous cherchons son remplaçant. Reste que les tarifs de l’électricité appliqués par Énergie du Mali sont aujourd’hui inférieurs à ses coûts de production. Donc, même si l’État s’est pour le moment abstenu de réajuster ces prix afin de ne pas ponctionner davantage les Maliens, il sera bientôt impératif de le faire.

Au lieu d’importer, il serait bon que le riz et le sucre soient produits ici.

Pour conclure, quel message adressez-vous aux investisseurs ?

Au Mali, il y a de quoi investir de manière rentable. Afin de pallier notre principal handicap, l’enclavement, nous offrons aux investisseurs maliens et étrangers des avantages fiscaux et douaniers, avec plus de 50 % d’exonération d’impôts, droits et taxes les premières années. Par ailleurs, il y a trop de commerçants au Mali. Au lieu d’importer, il serait bon que le riz et le sucre soient produits ici. Et j’encourage les opérateurs maliens à se transformer en industriels. Enfin notre pays est géographiquement stratégique : situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, Bamako peut devenir un hub d’affaires régional de premier plan.


EDM dans le rouge vif

En 2015, l’État malien avait prévu un budget de 42 milliards de F CFA (64 millions d’euros) pour subventionner les pertes d’Énergie du Mali (EDM). Cela n’a pas suffi à combler le déficit, qui a en réalité atteint 61 milliards de F CFA. Le mémorandum de politiques économiques et financières publié le 8 juin dernier par le FMI explique que « cette perte est due à des coûts plus élevés d’achat de carburants à la Côte d’Ivoire ainsi qu’à une masse salariale plus élevée que prévu suite au recrutement de personnel en 2015 ». Un peu court comme explication pour un trou qui ne cesse de se creuser depuis des années. En conséquence, la dette d’EDM auprès des banques commerciales s’élevait fin 2015 à 42 milliards de F CFA (alors que le programme l’avait estimée à 33 milliards), auxquels s’ajoutent 18 milliards d’arriérés vis‑à-vis de ses fournisseurs. En 2016, il est prévu que le déficit d’EDM sera réduit à 47 milliards et la dette bancaire à 40 milliards. On ne connaît pas le détail des mesures arrêtées pour parvenir à cette inflexion, mais l’État s’est engagé à « payer ses factures par anticipation au début de chaque trimestre ». C’est maigre !

François-Xavier Freland

 

Source: jeuneafrique

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