Ce village du Cercle de Bafoulabé aurait été fondé en 1059 par Salim Souaré, de retour de son dernier pèlerinage à La Mecque, pour servir de point de départ à la promotion de l’islam en Afrique de l’Ouest.
L’inscription de Diakhaba (Commune de Bamafélé, Cercle de Bafoulabé) au patrimoine culturel national et mondial, est une préoccupation majeure de ses habitants et des autorités administratives et politiques. Situé entre le village de Kala et le fleuve Bafing, en aval de Manantali, Diakhaba a joué un rôle de premier plan dans l’islamisation des peuples d’Afrique de l’Ouest. Jadis habité par les Dabo (cousins des Sissoko et des Souaré), cette localité est, pour les pays du Sud du Sahara, ce que représente la ville sainte de Tombouctou pour les Régions dans le Nord du Mali. Ces deux localités ont quelque chose d’insaisissable, de divin et doivent leur réputation à des grands marabouts qui ont inscrit leur nom dans les annales de la théologie. Salim Souaré, appelé affectueusement « Mbemba Laye » par les Malinkés des Cercles de Bafoulabé et de Kéniéba, a effectué sept fois le pèlerinage à La Mecque, en compagnie de milliers de fidèles.
Formateur d’El Hadji Mahmoud Bagayogo, qui est le fondateur de l’Université Sankoré de Tombouctou, Mbemba Laye était de passage à Tombouctou. Lorsqu’il s’apprêtait à quitter cette ville sainte pour Diakhaba, un village qui n’existait pas à l’époque, les Tombouctiens lui auraient demandé d’attendre le retour des jeunes partis faire des courses afin de lui faire un cadeau digne de son rang. L’hôte leur aurait expliqué qu’ils pouvaient, le moment venu, jeter le paquet dans le fleuve, en formulant l’intention qu’il lui soit remis.
Plus tard, vers 16 heures, devant la mosquée de Diakhaba, El Hadji Salim Souaré demanda à son cousin Mahamadou Dramé dit Draméba (grand Dramé) de l’accompagner au fleuve. Sur place, un poisson surgit de l’eau pour vomir un paquet contenant des objets de valeur et une correspondance venant de Tombouctou. D’après les notables et les griots du village, El hadji Salim Souaré est présenté comme l’un des descendants de Kaya Magan Cissé, empereur du Ghana, avant la prise de Koumbi Saleh par les Almoravides. Youssouf Cissé fut parmi les hommes qui ont enseigné l’islam dans l’ancien Wagadou. La mère de Youssouf est Fatoumata, une fille du roi Kaya Magan Cissé.
Mbemba Laye, fils de Youssouf Cissé et d’Aïssatou Soudourou, a hérité du nom de famille Cissé de sa mère par le fait d’appartenir à la classe noble.
Salim Souaré serait né vers l’an 172 de l’Hégire (794 du calendrier grégorien) à Djimbanladia dans l’actuel Macina. Il quitta ce village, à l’âge de 12 ans avec son père, pour le Diafounou où il a appris le Coran. Pour approfondir ses connaissances en islam, Mbemba Laye quitta le Diafounou pour l’égypte, puis l’Irak et l’Espagne, un voyage qui aurait duré 36 ans.
De retour à Macina, Salim Souaré n’y retrouva que sa mère car son père était décédé quelques années auparavant. L’homme décida alors d’aller à Kingui, village d’origine de sa mère.
Il y retrouva plusieurs cousins dont les mères étaient les trois sœurs de sa mère (Fatoumata, Aminata et Djénéba). Le fils de Youssouf Cissé s’est fait accompagner de certains de ses cousins, ainsi que des Fadiga, des Fofana, des Dramé pour rejoindre le Diafounou d’où il partira, plus tard, pour son premier pèlerinage à La Mecque, vers l’an 247 de l’Hégire, en compagnie de ses amis parmi lesquels El Hadji Mahamadou Diané de Manfara (Guinée), Mahmoud Bagayoko de Tombouctou, Boubacar Traoré de Diakhaba, Oumar Fofana de Mafourento (Mandé) et Yahya Tounkara de Samatiguila (Côte d’Ivoire).
Après son 7e pèlerinage, une voix aurait retenti de la Kaaba ou d’Arafat ou de Koumbi Saleh pour annoncer que le pèlerinage de celui qui monte sur un cheval tacheté « si ware (en langue nationale Soninké) » a été accepté par le Seigneur. Il s’agissait de Salim Cissé de Djenné, qui par déformation deviendra El Hadji Salim Souaré de Bamboukhou Diakha.
ARBRE PROTECTEUR- Ce pèlerin vit en songe le prophète Mahomet (PSL) qui lui ordonna de retourner dans son pays natal pour l’islamisation de sa contrée. Pour ce faire, il reçut des mains du Khalife de La Mecque trois choses dont un exemplaire complet du Coran écrit sur parchemin. Le second cadeau est une canne qui devait le conduire de son lieu de résidence habituelle (Djenné) à son site d’installation définitive. Cette canne devait lui parler et lui indiquer ce fameux lieu. Le prophète aurait, aussi, demandé à un arbre « souroudjouwo (en langue nationale Malinké) » d’accompagner Salim et de le protéger contre les intempéries, tout au long de son trajet. D’après les récits, il voyageait avec plus de 1.000 hommes et femmes dont les patronymes correspondaient à ceux des 70 grandes familles Diakhanké (habitant de Diakha).
Après avoir parcouru 39 sites, le sage Souaré s’arrêta à Koléla, village à 45 km, en aval de Manantali, sur la rive droite du fleuve Bafing. C’est Koléla que la canne sacrée aurait désigné comme le lieu d’habitation de El Hadji Salim Souaré qui se serait exclamé: « diakha diakha ya nemou ! (c’est donc ici !) » C’est ainsi que Koléla est devenu, par la suite Diakhaba (mère de Diakha) et ses habitants s’appelèrent « Diakhango (les habitants de Diakha en Malinké) ».
Koléla, alors habité par des animistes, sous la chefferie Sanoukegni, ancêtre des Dabo vivant d’agriculture, était touchée, chaque année, par des incendies, consumant l’essentiel de leurs récoltes, les exposant à une famine atroce. La chefferie du village demanda à Salim Souaré de faire des bénédictions pour le village. Ce qui fut fait, mais à condition que Koléla soit transféré de la rive droite à la rive gauche du fleuve. Car le pieu musulman ne voulait pas travailler dans un village animiste car l’adoration des fétiches allait à l’encontre de sa religion. Quand Dabo est parti, 33 de ses 40 enfants sont morts, de façon mystérieuse, et il n’a eu son salut qu’après avoir demandé pardon au marabout sur instruction de son féticheur.
Les vœux de El Hadji Salim Souaré ont été exaucés. Il n’y a eu plus d’incendie à Koléla. Les Dabo cédèrent leur village à Salim Souaré dont les descendants assurent la chefferie depuis. Moussou Laïké Souaré est, actuellement, le 45e chef de ce village, depuis quatre ans. Quelques années après son installation à Dikhaba, vers 317 de l’Hégire (1059 du calendrier grégorien), Mbemba Laye a entrepris une grande campagne d’islamisation en Afrique de l’Ouest (Sénégal, Gambie, Guinée…) à chacune de ces étapes, il laissait un des siens pour le suivi de sa campagne.
Aujourd’hui, le village Dikhaba se veut un site touristique pour ses mystères dont l’arbre sacré ou « souroudiouwo qui procura l’ombrage au saint homme lors de son trajet, lorsqu’il quitta La Mecque. Cet arbre se trouve au centre du village.
Il y a, aussi, le puits sacré ou Mamoukala, une source d’eau située à l’Est du village et placée sous le contrôle des Fadiga dont l’histoire est interprétée différemment. « Quand le bâton a parlé à Mbemba Laye, il a aussitôt envoyé ses enfants pour chercher de l’eau à boire. Entretemps, un chien était en train de creuser un autre endroit. Avant l’arrivée des émissaires, il a trouvé de l’eau dans le puits. Tout comme l’eau de « Zam-Zam », un puits intarrissable à La Mecque, les Diakhankés assurent que cette eau a les mêmes vertus que celle de Zam-Zam. Elle permettrait de guérir des maladies et, également, résoudrait les problèmes.
à l’intérieur d’un Mausolée flambant neuf construit à l’Est de la mosquée, se trouve la tombe d’El Hadji Salim Souaré. Il y repose, depuis son rappel à Dieu vers l’an 542 de l’Hégire. Un silence de mort règne en ce lieu saint, en dépit de sa proximité avec les maisons d’habitation. Son inauguration a eu lieu le 23 février 2018. Dès que le visiteur franchit le seuil de la cour, son attention est vite attirée par un imposant bâtiment jaune dont toutes les portes et les fenêtres sont de la même couleur, doté d’une terrasse carrelée. Vers le côté Nord, se dresse des bâtiments annexes où sont gardés, au secret par une famille du village, les objets et des livres sacrés y compris le Coran, la canne, les ustensiles de sa maman.
La mosquée de Mbemba Laye, flambant neuf, que dirige l’iman Banding Souaré, couvre environ une superficie de 460 m2 pour une surface bâtie de 174 m2. Cette maison de Dieu n’a jamais changé d’emplacement, depuis sa construction, bien qu’elle ait subi plusieurs modifications. Le fleuve qui traverse le village est aussi une source de merveilles. Un pan de la mosquée et de la tombe d’El Hadji Salim Souaré s’y plonge. Ces plans qui sont visibles pendant la saison sèche, sont maintenant submergés durant toute l’année par les eaux du barrage de Manantali, une infrastructure de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) qui regroupe le Mali, le Sénégal, la Mauritanie et la Guinée.
Le préfet de Bafoulabé, Falaye Sy, est en train de faire aménager une parcelle de 2ha qui va servir de site pour les prières, prêches, medersa et logements, grâce à l’appui d’une cimenterie qui fait office de mécène et d’un entrepreneur. Ce centre va accueillir, au moins 800 pèlerins, lors de la grande Ziarra célébrée le dernier vendredi de chaque mois de février. « C’est une zone très convoitée, surtout lors des Ziarra et Maouloud. Je dois poser des actes de développement. Il faut savoir partager.
Le tourisme est le parent pauvre. La crise sécuritaire et politique doit servir de leçon. Elle a entraîné l’arrêt du tourisme. Si les autres sites étaient recensés, ça allait être un plus. Nous avons une jeunesse favorable à ce secteur pourvoyeur d’emplois », explique le préfet Falaye Sy.
Source: LEssor– Mali‘