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Au Mali, l’extension du domaine de la lutte traditionnelle

Le sport ancestral fait à nouveau vibrer les foules de Bamako, mais manque désespérément d’argent.

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Il débarque comme un chevalier, prêt à la joute. Habillé en costume traditionnel dogon, «Multiprise», 120 kilos sur la balance, a fait le tour du quartier sur son cheval gris pour rameuter les gamins à la deuxième édition du Drapeau PMU-Mali, un tournoi de lutte traditionnelle africaine organisé dans la capitale. L’arène est aujourd’hui un terrain de basket-ball, au milieu duquel un carré de sable a été tracé. C’est là que les lutteurs vont s’affronter. On est venu de tout Bamako pour voir le tournoi. Les combattants, habillés d’un simple short, ont trois minutes pour terrasser leur adversaire : soit en le faisant chuter, soit en l’obligeant à poser trois appuis au sol, le tout sans sortir du carré de sable. Interdiction d’attraper le short ou les parties intimes, ou de tordre les doigts. Interdit également de frapper son adversaire.

«C’est la tradition, c’est notre coutume, raconte Yaya Sacko, le président de l’association-écurie Lion Sport de Bagadadji, organisateur du tournoi. La lutte est pratiquée ici depuis sept cents, huit cents ans. Mais avec l’islamisation et la colonisation du Mali, on a tout oublié.» «Ça avait un peu disparu il y a vingt ans, se souvient Sidibé Jibril, aujourd’hui entraîneur. Quand on était jeunes, tout le monde pensait seulement au football. Les jeunes ne venaient plus aux entraînements. Lorsqu’on les appelait pour faire des combats, presque personne ne venait.»

Pieds en sang

Le secrétaire général de la Fédération malienne de luttes associées, Balla Diawara, l’avoue : «Jusqu’à récemment, il y avait une certaine léthargie. C’est en plein air, il n’y a pas de vente de billets, alors on a besoin d’un sponsor. La subvention du gouvernement est insuffisante. Maintenant, nous organisons une dizaine de compétitions par an, contre deux ou trois auparavant, grâce à un partenariat avec le Comité international olympique du Mali et la Société des télécommunications du Mali.» Environ 200 lutteurs maliens participent régulièrement aux tournois, mais le pays n’a toujours pas d’arène officielle.

A Bamako, en cet après-midi ensoleillé, les combats s’enchaînent. Les muscles sont bandés. Les pieds saignent à cause du sable. Enfant ou adulte, chaque lutteur cherche le point de déséquilibre de son rival. Et chaque victoire est accompagnée d’une immense clameur du public, agglutiné tout autour du terrain de basket. Omar Coulibaly, 19 ans, s’entraîne trois fois par semaine : «Moi aussi je voudrais être un leader, que tout le monde me connaisse. Devenir le roi de la lutte au Mali.» Ce sport lui a permis de sortir de la délinquance, dit-il. «Avant, je volais des motos et braquais des magasins, mais j’ai tout arrêté. J’ai vu que cette lutte pouvait m’apporter quelque chose : rencontrer des personnes que je n’aurais pas eu l’occasion de rencontrer, trouver une certaine solidarité. C’est pourquoi je me suis inscrit.»

«J’ai gagné des Mercedes»

Aujourd’hui au Mali, si la lutte traditionnelle apporte un certain prestige, très peu de sportifs arrivent à en vivre, comme le champion Samba Samakan. Né au pays dogon, il a appris la lutte à partir de 5 ans «comme tous les enfants là-bas». Depuis il est devenu caporal et l’armée lui libère du temps pour qu’il s’entraîne au sein de l’Union sportive des forces armées de sécurité (Usfas). Il est passé maître dans la catégorie des moins de 86 kilos. «J’ai gagné des Mercedes, des téléphones, des maisons, des terrains», énumère-t-il.

Ce jour-là, à Bamako, l’équipe de l’Usfas a remporté le Drapeau PMU-Mali. Elle va se partager 75 000 francs CFA (115 euros). «Les premiers prix peuvent aller jusqu’à un million de francs, explique Balla Diawara. Mais au Sénégal ou au Niger, c’est dix fois plus. Pour participer au tournoi de la Cédéao [la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, ndlr], le Niger donne un million de francs comme prime de sélection dans l’équipe nationale ! Moi, je me bats pour que les lutteurs maliens touchent au moins 75 000 francs.» Face aux géants sénégalais et nigériens, qui monopolisent les médailles, le Mali continue donc de chercher des sponsors. Les lutteurs, eux, assurent le spectacle. Comme Multiprise qui, malgré sa défaite contre Soumano Karonga, fait des selfies avec ses fans. Avant de repartir au galop sur son cheval gris, vers de nouveaux combats.

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