Avec un ton visiblement diplomatique, l’homme au boubou blanc a profité du sommet tant attendu pour transmettre un discours « révolutionnaire » au monde entier. Loin de se limiter à des salutations fraternelles suivies des remerciements à l’endroit de Vladimir Poutine pour ses efforts multiformes au Mali en proie à l’insécurité, le jeune colonel n’a pas manqué de cracher ses quatre vérités aux pays ennemis déguisés en amis, voire aux puissances occupant toujours les postes stratégiques de l’ONU. Le président de la transition a estimé que la tenue du Sommet de Saint Pétersbourg, moins de quatre ans après celui de Sotchi en 2019 témoigne, une fois de plus, de la qualité du partenariat stratégique entre la Russie et l’Afrique. Lequel est non seulement fondé sur une amitié de longue date, mais aussi, dit-il haut et fort, sur la sincérité et le respect mutuel. De son long discours, il ressort clairement que le Mali n’a certes pas de continuité géographique, encore moins de langue en commun avec la Russie. Cependant, dit-il, « nos deux pays entretiennent de solides relations d’amitié et de coopération depuis 1960 ». L’invité spécial de Poutine fera également comprendre ceci aux Chefs d’Etats africains : « En dépit des bouleversements intervenus, nos relations avec la Russie se sont densifiées et diversifiées avec des succès et des réalisations dans les domaines stratégiques comme les infrastructures, l’agriculture, la santé, l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, la géologie, les mines ainsi que la défense et la sécurité ». Aussi, a-t-il ajouté, malgré la situation géopolitique et la conjoncture mondiale, il est évident, et cela est bien un constat, que le peuple malien est fortement mobilisé aux côtés des Autorités de la transition dont l’objectif est de construire et consolider, dans la durée, un partenariat stratégique gagnant-gagnant entre le Mali et la Fédération de Russie pour, souligne-t-il, le bonheur des deux Peuples. Et d’être on ne peut plus clair : « Un tel partenariat est d’autant plus indispensable que la Russie a su prouver dans les moments difficiles, son statut de partenaire traditionnel du Mali, tant par sa fiabilité que par son dynamisme dans l’accompagnement de notre pays pour, ajoute-t-il, relever les défis cruciaux du moment tout en respectant notre souveraineté ». Avec l’appui de la Russie, le Mali recouvre progressivement sa pleine souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Les Forces de Défense et de Sécurité opèrent, à cet effet, en toute autonomie et liberté d’action. Mieux, elles sont désormais dans une posture offensive, reprennent du terrain et réduisent de façon significative les attaques ciblant les camps militaires et les civils. Chose qui, annonce Assimi Goïta, est en train de permettre le retour progressif des personnes déplacées et des services sociaux de base dans plusieurs localités. Le Mali a noué avec la Russie un partenariat militaire dont le président de la transition dit saluer la fiabilité. La coopération entre les deux pays s’est également étendue dans des volets comme le renforcement des capacités en ressources humaines via l’augmentation des bourses d’études dans les secteurs stratégiques ainsi qu’aux relations économiques et commerciales. Aussi, l’intervenant trouve que les destins des peuples africains et russes ne sont plus jamais liés de nos jours. Une situation exigeant, selon lui, une réponse collective et appropriée aux défis auxquels les deux partenariats de longue date se trouvent confrontés.
Des précisions sur l’origine de la crise au sahel, l’échec du mandat des forces étrangères, la question de l’ONU…
Tout comme ses ministres, Assimi pointe du doigt l’intervention inutile de la France et ses soutiens en Lybie comme cause de l’aggravation des crises sécuritaires dans le sahel. « Comme vous le savez, la région du sahel en général et le Mali en particulier est, depuis quelques années, en proie à une crise multidimensionnelle, résultante de l’intervention de l’OTAN en Lybie. Cela a rendu plus vulnérables des populations déjà confrontées aux effets combinés des facteurs sécuritaires, sociopolitiques, économiques, climatiques, environnementaux et récemment sanitaires liés à la pandémie du Covid-19 ». A cet effet, les forces étrangères venues pour aider le Mali n’ont pas réussi leurs missions. D’où le choix stratégique du Mali après une décennie de leur présence sans résultats tangibles. Une présence dont le schéma tracé consistait, pour Assimi, à entretenir la menace sur le territoire malien et à maintenir les Maliens dans la dépendance. Aux membres des Nations unies présents, il dira que le Mali reste attaché à la coopération internationale, au multilatéralisme et à un ordre international basé sur des règles justes et équitables. Il est donc, enchaine-t-il, primordial que tous les membres de l’ONU respectent les valeurs et principes fondamentaux du droit international et agissent de manière à protéger et à faire respecter la Charte des Nations unies. La sécurité internationale passera forcément, estime le colonel, par une réforme du Conseil de sécurité de l’ONU. « Notre Organisation commune doit s’adapter au monde multipolaire afin de conserver toute sa crédibilité. L’instrumentalisation et la politisation de la question des droits de l’homme doivent cesser, de même que le système de deux poids, deux mesures », lance-t-il aux membres de l’ONU. Puis d’indiquer que la question de l’élargissement du Conseil est, de nos jours, un point majeur à l’ordre du jour. Elle est nécessaire et justifiée avec la proposition de l’Union africaine qui réclame seulement deux sièges permanents pour l’Afrique. Estimant que la situation économique mondiale est inquiétante, le président de la transition trouve que le Sommet de Saint Pétersbourg donne l’opportunité de tracer les contours d’un espace commun de prospérité, de stabilité et de sécurité.
Mamadou Diarra
Source : LE PAYS