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Analyse, questions et réponses : Les Forces armées Maliennes aujourd’hui

Cette analyse est la deuxième (après celle sur les forces armées ivoiriennes) extraite du livre de Laurent Touchard, “Forces armées africaines 2016-2017”. Nous remercions encore l’auteur d’avoir accepté que nous reproduisions ce texte qui, dans le livre, est aussi accompagné d’un très complet organigramme et d’un tableau des équipements.

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Loi d’Orientation et de Programmation Militaire

En janvier 2016, le Président Ibrahim Boubacar Keïta annonce que les mesures prévues dans le cadre de la Loi d’Orientation et de Programmation Militaire (LOPM) votée début 2015, seront amplifiées. Cette loi implique une modernisation des forces et des effectifs portés à environ 20 000 hommes grâce au recrutement de 10 000 volontaires jusqu’en 2019.

Elle mentionne également le développement de forces spéciales ainsi que le développement des écoles militaires. Le tout s’inscrit dans une logique de formation des personnels afin de professionnaliser les FAMa. D’autant que l’armée malienne comprend de nombreux soldats exceptionnels qui n’ont besoin que d’autorités politiques avec une pensée stratégique claire et de chefs militaires compétents.

Elle fixe enfin l’objectif opérationnel : en 2019, le Mali doit disposer d’une chaîne de commandement idoine, avec des FAMa en mesure de faire face à un conflit sur le territoire national, tandis que le pays devra aussi être en mesure de déployer un bataillon de 850 hommes formés aux OMP.

 

Afin de faciliter cela, la LOPM évoque des crédits de 32,6 millions de dollars pour l’achat d’équipements de communication modernes, ainsi que pour de l’équipement dédié à la collecte du renseignement.

Par ailleurs, pour rehausser le moral des personnels de la défense, il a été décidé d’augmenter les soldes de 15 %. D’autres mesures existent aussi, à l’instar d’indemnités compensatrices de logement. Ces gestes permettent aux militaires d’améliorer les conditions de vie de leurs familles.

Concernant la modernisation des forces terrestres, en mars 2016, 70 pickups sont achetés tandis qu’un projet de décret porte sur l’acquisition de 120 autres véhicules légers tactiques de ce type. Par ailleurs, l’armée reçoit ses premiers blindés MRAP en février-mars 2016. Ils équipent alors la 134ème Compagnie de Reconnaissance de Gao (13èmeRégiment d’Infanterie Motorisée).

En tout, la LOPM prévoit des crédits de 326 millions de dollars pour l’acquisition de blindés et non blindés pour les FAMa. Elle prévoit également 114,1 millions de dollars pour des véhicules que recevront la Garde Nationale et la Gendarmerie. Enfin, les unités de soutien (logistique et génie) bénéficieront d’enveloppes représentant un total de 163 millions de dollars.

En sus des effectifs de l’armée, ceux de la Garde Nationale doivent croître avec le recrutement de 1 000 volontaires qui a été annoncé en avril 2016.

Grâce à cette volonté de renouveau structurel, une fierté militaire renaît aussi. Celle-ci est génératrice de moral et de cohésion d’ensemble au sein de l’institution. Cet état d’esprit est particulièrement prégnant chez les recrues enrôlées après la reconquête du nord début 2013. Elles n’ont connu la défaite de 2012 que de « loin », avec le développement d’une mentalité du « plus jamais ça ».

En parallèle, émerge progressivement une nouvelle génération d’officiers et de sous-officiers. Beaucoup ont conscience du fait que leur grade n’est pas synonyme d’avantages économiques et sociaux, mais qu’il implique des devoirs à l’égard du pays et surtout – gage de cohésion des unités – vis-à-vis des hommes qu’ils commandent.

Dans cette logique, le général Didier Dacko est nommé chef d’état-major général des armées. Il est considéré comme un chef de qualité, ayant fait ses preuves dans le calamiteux contexte de 2012-2013. De fait il est apprécié par la « nouvelle génération » de cadres. Il succède au général Mahamane Maïga, en partie responsable de la lourde défaite de Kidal (le pouvoir n’est pas irréprochable), le 21 mai 2014.

Outre les forces terrestres, il est crucial que Bamako puisse compter sur une armée de l’air adaptée aux besoins. Celle-ci doit être en mesure d’accomplir des missions contre-insurrectionnelles. Mais elle doit aussi pouvoir assurer les liaisons avec les bases du nord, permettre d’éventuelles évacuations sanitaires et approvisionner les bases.

Ces tâches sont d’autant plus importantes que les garnisons dans le septentrion sont très isolées géographiquement et donc, faciles à assiéger. C’est d’ailleurs ce qui se produit en 2012.

Par ailleurs, une aviation équilibrée est nécessaire pour contribuer à la surveillance des frontières, aussi vastes que poreuses. En se dotant de six A-29 Super Tucano brésiliens en juin 2015 pour environ 60 millions de dollars, le Mali répond à plusieurs de ces exigences  : attaque légère et entraînement, surveillance et reconnaissance. Le Brésil assurera la formation des pilotes et des mécaniciens. Malheureusement, il faudra attendre la formation des pilotes avant de recevoir les appareils.

En revanche, le pays dispose depuis la seconde moitié de 2016 d’un avion       C-295W. L’appareil est synonyme d’une capacité de transport tactique, voire stratégique à l’échelle du territoire national. Reste que l’achat d’au moins un second avion de ce type serait judicieux.

Enfin, tout aussi intelligemment, Bamako souhaite reconstruire ses capacités aéromobiles. Pour cela, l’acquisition de deux Super Puma auprès de la France est prévue. La valeur du contrat est estimée à environ 18 millions de dollars. Ces voilures tournantes représentent un grand atout tactique dans le désert. Bien utilisées, elles peuvent créer la surprise face à des éléments insurgés motorisés. D’autres hélicoptères devraient aussi être livrés par la Russie à partir de 2017, avec un contrat pour quatre à six Mi-24 et peut-être des hélicoptères de transport et d’assaut Mi-17.

A noter que les forces maliennes profitent parfois des hélicoptères du dispositif français Barkhane, ce qui permet aux éléments concernés de s’entraîner aux actions aéromobiles.

En attendant les nouveaux appareils, d’importants efforts de remise en état des vieux avions et hélicoptères sont en cours. Les Tetras sont passés de quatre à au moins sept, le Basler a été révisé, au moins deux Mi-24D volent de nouveau, ainsi qu’un Z-9B. Les crédits attribués à l’aviation dans le cadre de la LOPM représentent 325,2 millions de dollars de 2015 à 2019.

En terme d’objectif opérationnel, d’ici à 2019, l’armée de l’air doit être capable de déployer 200 hommes n’importe où sur le territoire national pendant une semaine.

Soutiens étrangers

Dans ce cheminement vers la modernisation et la professionnalisation, le pays bénéficie de l’aide de l’Europe, via l’EUTM Mali. Ce dispositif a permis la formation de huit groupements tactiques interarmes (GTIA), à savoir des unités de la taille d’un bataillon, comprenant chacun environ 600 hommes et une centaine de véhicules.

Les personnels du GTIA 8 ont achevé leur formation en mai 2016. A noter que deux escadrons de gendarmerie ont suivi les stages aux cotés des recrues des GTIA 7 et 8. A partir du 18 mai 2016, le troisième mandat de l’EUTM débute, pour une durée de deux ans. Désormais, il ne s’agit plus de former des GTIA mais de peaufiner leur entraînement, tout en préparant les instructeurs des FAMa.

Par ailleurs, afin de disposer d’effectifs suffisants pour conserver les unités existantes tout en développant les GTIA, un service militaire obligatoire a été instauré en juin 2014 pour les hommes de 18 à 35 ans.

Outre l’EUTM, l’EUCAP Sahel est aussi très présent pour la formation de la Garde Nationale. De manière plus distincte, le pays reçoit également de nombreux soutiens essentiels. La France est évidemment très présente, mais aussi les États-Unis grâce au TSCTP (voir la partie sur l’Algérie) et au programme ACOTA (voir la partie consacrée au Bénin).

Comme le TSCTP s’inscrit dans la lutte contre-terroriste, il est improbable que l’administration Trump mette un terme à celui-ci. Tout au plus pourrait-il être remodelé sur la forme, avec un nombre réduit de partenaires. En revanche, davantage d’incertitudes existent pour le programme ACOTA. Quoi qu’il en soit, les décisions américaines dépendront aussi du Congrès.

D’autres nations soutiennent aussi Bamako, à l’instar de la Turquie où sont formés des militaires maliens. La Chine, partenaire historique du pays en matière de défense (fournisseur d’armes) reprend aussi ses marques au Mali. Le 12 août 2016, le ministre de la Défense, Tiéman Hubert Coulibaly, rencontre une délégation chinoise dédiée à la coopération militaire.

Sur le continent, Bamako compte aussi des amitiés. Ainsi, le Président Ibrahim Boubacar Keïta a-t-il lui-même demandé l’aide diplomatique de Windhoek par le biais de son Premier ministre, Modibo Keita. Il s’agit à la fois pour Bamako d’obtenir le renouvellement du mandat de la MINUSMA en juin 2016 (renouvellement décidé le 29 juin 2016 jusqu’au 30 juin 2017), et à la fois de disposer d’une voix écoutée. En effet, le Président namibien, Hage Geingob est perçu comme compétent et influent.

Enfin, le Mali est membre du G5 Sahel organisé en décembre 2014. La dimension sécuritaire de ce dispositif permet d’effacer l’inutilité du CEMOC algérien, avec la création d’ici la fin 2016 d’une école de guerre en Mauritanie. La mise sur pied d’un bataillon d’intervention rapide avec des éléments des cinq membres (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) est aussi prévue.

Autre caractéristique, l’« l’alliance » favorise les échanges entre lesdits membres en matière de renseignement et l’organisation de patrouilles conjointes. A noter enfin que, du 18 au 29 juillet 2016, l’EUTM donne une formation dédiée à l’interopérabilité des armées du G5 Sahel, en partenariat avec Bamako. La détermination des membres du G5 se heurte cependant aux difficultés financières du dispositif (voir également les parties consacrées à l’Algérie et au Burkina Faso).

Les difficultés

De manière générale, la Banque mondiale estime qu’un pays qui a été touché par un conflit a besoin de 10 à 40 ans – et le plus souvent de 20 ans – avant que ne se mette en place une gouvernance de niveau moyen. Et encore ce niveau n’est-il considéré que comme transitoire.

En 2016, le Mali est donc loin d’avoir atteint cette maturité. L’arduité à développer des institutions politiques dignes de ce nom et à les faire œuvrer correctement durant 10 à 20 ans perturbe évidemment le fonctionnement de l’institution politique.

En dépit de la qualité des instructeurs de l’EUTM et de la bonne volonté des Maliens, l’équipement pour la formation et l’entraînement des GTIA a manqué et manque toujours, notamment pour les armes légères et les munitions. En conséquence de quoi, les exercices à balles réelles sont rares. Les projectiles pour l’artillerie ne sont pas plus nombreux. Or, la fourniture de ces moyens est à la charge de Bamako.

Autre problème, la formation est principalement tactique plutôt qu’opérative. Sur ce point, la responsabilité incombe à l’UE. En effet, l’Europe préfère former des militaires à la paix plutôt que de les préparer à être des guerriers. De fait, les capacités des unités maliennes restent circonscrites à leur zone de contrôle propre, dans une logique davantage défensive qu’offensive. Les GTIA savent peu ou pas opérer de concert.

Là réside une autre part d’explication du revers du 21 mai 2014 à Kidal. Les FAMa échouent alors lamentablement à reprendre la localité. Le plan est mal conçu, notamment en raison de lacunes dans le recueil du renseignement, tandis que des problèmes de communications contribuent à faire dégénérer le manque de coordination entre les différents éléments engagés (appartenant notamment aux GTIA 2, 3 et 4) en chaos total.

Au bilan, plus d’une cinquantaine de soldats maliens sont tués. Seuls les hommes du 33ème Régiment de Commandos-Parachutistes font bonne figure, mais au prix de lourdes pertes. Dans la foulée, les Touaregs passent à la contre-offensive en s’emparant notamment des localités d’Aguelhok, de Ménaka, d’Andéramboukane ou encore de Ber. Sauf à Tessalit où elle tient ses positions, l’armée malienne bat en retraite sans combattre.

Pour remédier au problème des capacités opératives, des efforts ont cependant été initiés. Ils impliquent notamment un renforcement de la chaîne de commandement.

L’institution militaire est également confrontée au fléau de la corruption. Par exemple, en 2014, un contrat de défense financé à hauteur de 980 000 dollars voit son coût augmenter de 500 %, passant à 4,9 millions de dollars. Autres problèmes latents qui handicapent l’armée malienne  : le laxisme et l’esprit « syndicaliste ».

Il n’est pas rare que les ordres soient discutés, en parallèle à des mouvements de « grogne sociale » dans les rangs. Catastrophique durant la crise de 2012, cette attitude est pourtant toujours d’actualité en 2016. Ainsi, fin février-début mars 2016, les élèves du GTIA 8 abandonnent les cours de formation. Selon eux, ils n’ont pas perçu leur prime de risque.

Ce comportement tient à la fois à quelques recrues pour qui l’armée n’est qu’un moyen parmi d’autres d’échapper à une vie civile, et à la fois au mépris de certains officiers à l’encontre de leurs sous-officiers et soldats.

Autre tare particulièrement grave, l’armée malienne reste prompte à commettre des exactions, même en 2016. Or ce défaut rédhibitoire profite aux groupes insurgés, qui ont alors plus d’aisance à recruter des combattants ou, a minima, à grossir un vivier de sympathisants.

Représentatif des excès des FAMa, le 12 juillet 2016, des militaires ouvrent le feu sur des émeutiers. Ils tuent trois civils et en blessent au moins 31 autres. Il est vrai que la faute incombe davantage aux autorités politiques qu’aux militaires.

Qu’ils soient Maliens ou de toute autre nationalité, les soldats ne devraient pas être chargés d’accomplir des missions de maintien de l’ordre. Ils peuvent recevoir des formations de base en la matière, pour faire face à des situations particulières, très ponctuellement. Mais en dehors de cela, le maintien de l’ordre requiert une formation très spécialisée pour des missions qui ne le sont pas moins. Quoi qu’il en soit, cela n’enlève rien aux excès parfois constatés de la part des gouvernementaux.

La question des exactions se pose également, plus prégnante encore, avec les groupes d’autodéfense pro-gouvernementaux. Fruits d’initiatives privées bien avant la crise de 2012 pour plusieurs d’entre-eux, et conséquences de cette crise pour d’autres, ils vérifient une fois encore que la tentation de l’autodéfense croît des lacunes sécuritaires gouvernementales.

Lorsque la sécurité des habitants n’est plus garantie et que les fauteurs de troubles n’hésitent pas à menacer tout un mode de vie, l’idée de prendre les armes pour défendre son environnement immédiat, sa communauté est alors grande. Le Nigeria constitue un autre exemple de cette problématique et des difficultés inhérentes à l’émergence ou au développement de groupes d’autodéfense (voir aussi le phénomène guerrier dans la partie consacrée à l’Algérie).

Contrôlés, ou du moins aussi bien contrôlés que le permettent les moyens locaux (et nationaux), ces groupes peuvent avoir une certaine valeur défensive. L’histoire de la lutte anti-insurrectionnelle aussi, à la fois plus récemment et plus proches géographiquement, les Dozo de Côte d’Ivoire, la Liyu Police en Éthiopie, le démontrent.

Cependant, sans encadrement extrêmement strict de la part des autorités, le risque est grand que ces groupes instaurent leur propre système judiciaire (y compris avec des exécutions extra-judiciaires) et qu’ils se livrent au racket afin de se financer.

Au Mali, le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) est d’ailleurs suspecté d’implications dans le trafic de drogue. Il s’est aussi rendu coupable d’exactions perpétrées dans sa confrontation, sur fond de rivalités communautaires, avec la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) dans le nord du pays (et en particulier à Kidal).

Fin septembre 2016, ces exactions conduisent Washington, par l’intermédiaire de son ambassadeur au Mali, à demander à Bamako de couper tout lien avec le GATIA. Bamako ne confirme pas lesdits liens, mais ne les infirme pas non plus. D’autant qu’ils font peu de doute, par le biais du général El Hadj Ag Gamou. La réponse donnée à l’administration Obama est également sans ambiguïté : Ag Gamou fait ce qu’il veut avec les membres de sa communauté (Imghad) du moment que ses activités ne gênent pas celles de l’armée.

Dans les faits, les 63 exactions que dénonce la CMA sont moins nombreuses. Elles existent néanmoins. Reste que la CMA n’est pas non plus irréprochable, ayant également commis des violences contre les civils.

Face aux jihadistes

La route est encore longue avant que le Mali ne retrouve une armée capable de défendre seule le sol national. Malheureusement, le temps manque sans que ce défaut ne raccourcisse la distance à parcourir. De fait, les FAMa sont la cible d’attaques toujours plus violentes depuis 2015. En 2016, les actions de guérilla et de terrorisme se multiplient contre ces mêmes forces (ainsi que contre les unités de la MINUSMA).

Cette inquiétante recrudescence témoigne du fait que les groupes armés se revigorent d’une situation sécuritaire absconse tandis que Bamako peine à réinstaurer sa légitimité. Pour favoriser leur « revivification » les groupes armés en question « migrent » vers des terres plus favorables que le nord du Mali, zone de contrôle du dispositif français Serval puis Barkhane.

Illustration de ce « basculement de théâtre », en juin 2015, les jihadistes attaquent la localité de Misseni, à la frontière avec la Côte d’Ivoire. L’événement révèle de facto l’implantation rebelle dans ce secteur, et plus particulièrement dans la forêt de Sama.

La décision est alors prise d’intervenir rapidement. L’enjeu consiste à ne pas laisser l’opportunité aux islamistes de la katiba Habid Ibn Walid (liée à Ançar Eddine) de développer ce foyer d’instabilité. Le 16 juillet 2015, les éléments spéciaux de la DGSE malienne, discrètement appuyés par la France, lancent une opération. Ils obligent ainsi les jihadistes à se disperser dans les environs de Tingrela, en Côte d’Ivoire.

Plus généralement, les FAMa sont fréquemment engagées dans des escarmouches. Au cours de celles-ci, la plupart du temps, elles ne déméritent pas. Par exemple, le 28 octobre 2015, sept combattants affiliés à Boko Haram sont tués dans l’est du pays, à la frontière avec le Burkina Faso. Tout comme l’attaque dans le secteur de Misseni, cet engagement est intéressant stratégiquement. Il démontre que la menace jihadiste ne réside pas uniquement dans le nord, aux frontières mauritaniennes, algériennes et nigériennes.

Il est également intéressant opérativement car il indique qu’en dépit de moyens très limités, et même si les GTIA ne sont pas engagés, les gouvernementaux maliens peuvent faire face à l’ennemi.

Le 20 novembre 2015, les forces spéciales maliennes interviennent de concert avec les Américains (deux instructeurs des Special Forces) et les Français (forces spéciales et une équipe du GIGN) contre un commando du groupe al-Mourabitoun de Mokhtar Belmokhtar, plus moins affilié à AQMI. Ledit commando a alors attaqué l’hôtel Radisson Blu, massacrant les clients.

La réaction est rapide, tant pour les autorités en charge que pour les éléments maliens qui interviennent. Ceux-ci, avec l’aide des conseillers Américains et Français, pénètrent très vite dans l’hôtel. Par cette action résolue, ils privent ainsi les jihadistes de leur liberté de mouvement. De nombreuses vies sont ainsi sauvées, même si le bilan est lourd, avec 22 tués dont deux terroristes.

Dans l’hôtel, les éléments d’intervention nationaux démontrent une bonne maîtrise du combat en milieu clos. Reste que le manque de coordination entre les différentes entités contre-terroristes amènent Bamako à créer une force dédiée. Elle se compose de trois éléments de soixante hommes chacun, respectivement issus de la Garde Nationale, de la Gendarmerie et de la Police. La Force Antiterroriste (FORSAT) est opérationnelle en septembre 2016. Ses personnels sont notamment entraînés par l’EUCAP Sahel.

 

Le 5 février 2016, des éléments maliens dégagent avec succès un camp de la MINUSMA que ciblent alors des jihadistes. Du 22 février au 6 mars, les FAMa œuvrent avec les soldats burkinabè dans le cadre de l’opération Gabi. Environ    1 200 hommes des deux pays participent à celle-ci. Du 28 février au 28 mars, ils sont engagés dans l’opération Ossau, à l’ouest de Gao.

Bien entraînées et engrangeant de l’expérience, les unités formées par l’EUTM Mali sont de plus en plus habiles en matière de tactique des petites unités et de combat mobile. Elles ont également des bases dans le domaine du combat en milieu urbain.

Entre le 12 et le 13 avril, une attaque nocturne est repoussée à Boni, au moins un des jihadistes est tué tandis que cinq autres sont capturés. Là encore, l’engagement est riche d’informations. Survenu au cours de la nuit, il a été correctement appréhendé par les FAMa. Maîtrise qui contraste avec ce qui prévalait autrefois, le combat de nuit étant une des multiples faiblesses des troupes gouvernementales, savamment exploitée par les jihadistes et rebelles.

Ce petit succès révèle que les FAMa ont grandement progressé. Il atteste également qu’il est désormais beaucoup plus difficile de surprendre les postes avancés de l’armée malienne dans le nord. Les défaites dramatiques de janvier 2012, ou encore la cinquantaine de tués lors de la tentative de reprise de Kidal aux rebelles touaregs le 21 mai 2014 semblent alors appartenir au passé.

Bien entendu, la guerre génère un brouillard d’incertitude cher à Clausewitz. Même la meilleure armée du monde est susceptible d’être surprise et de subir des revers, tout spécialement contre un ennemi qui privilégie la guérilla ou la terroguérilla, dans le cadre de laquelle la surprise est un multiplicateur de force.

En conséquence de quoi, malgré les progrès, des soldats maliens continuent de tomber. Ainsi, de mai 2014 à février 2016, au moins 140 d’entre-eux ont été tués et 374 blessés. Mais quoi qu’il en soit, ces militaires assument de plus en plus leurs responsabilités quant à la sécurité du pays. Ce, alors que les jihadistes d’AQMI ont annoncé être engagés dans la « bataille » contre les « forces d’occupation croisées » dans le nord, fin mai 2016.

L’émergence de nouveaux foyers insurrectionnels ne s’explique pas uniquement par l’efficacité du dispositif Barkhane dans le nord. En effet, les brutalités des gouvernementaux mentionnées plus haut attisent les tensions inter-communautaires dans le centre du pays, particulièrement entre les Fulani et les Bambara.

De fait, le 21 juin 2016, les premiers créent une milice d’autodéfense, l’Alliance Nationale pour la Souveraineté de l’Identité Peule et la Restauration de la Justice (ANSIPRJ). Celle-ci déclare vouloir défendre par les armes la communauté fulani contre l’armée nationale.

Également dans le centre, se développent aussi des foyers d’influence jihadiste. Ou du moins se présentent-t-ils comme tels, vaguement sous la désignation fourre-tout (et localement contestée) de Front de libération du Macina (FLM). Ces « groupes » aux contours flous ne sont pas hostiles à l’ANSIPRJ, voire proche d’elle.

Les jihadistes exploitent ce dynamisme insurrectionnel composite, dans une zone où le dispositif militaire et sécuritaire est moins étoffé. Au sud, ils s’ancrent encore dans la forêt de Sama et dans le secteur de Sikasso, aux frontières de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso.

La zone est d’autant plus « intéressante » qu’y habitent la majorité des chrétiens du Mali, soit environ 5 % de la population du pays. Ils représentent une cible « naturelle » pour les jihadistes car moins susceptibles de générer autant de réprobation des autres maliens musulmans.

Dans cette zone, donc, le 28 juin 2016, les jihadistes s’emparent en toute impunité de la localité de Fakola. Ils parviennent à la conserver pendant plusieurs heures. Le pouvoir prend la mesure du danger.

Fin juin, les FAMa reçoivent donc l’ordre de priver sans délai les jihadistes de cet espace, tandis que les opérations se poursuivent en d’autres points du territoire. Ainsi, du 22 mai au 3 juin 2016, les FAMa participent à l’opération Siham (« Ne touche pas  ! » en Djerma-Songhai) au nord-est, de concert avec les forces armées nigériennes, à la frontière entre les deux pays.

L’opération bénéficie de l’appui français notamment en matière de renseignement et de surveillance. L’objectif consiste pour l’essentiel à « montrer le drapeau » afin de rassurer les populations et d’empêcher les insurgés de tous poils de s’installer facilement.

Durant l’été 2016, les FAMa subissent une de leur plus lourde défaite depuis 2013. Elle rappelle de funestes souvenirs, ainsi que la déroute de Kidal le 21 mai 2014. Le 19 juillet 2016, vers 5 heures du matin, des jihadistes de la Katiba Macina d’Ansar Eddine et des combattants affiliés à l’ANSIPRJ attaquent la caserne de Nampala, non loin de la frontière mauritanienne.

Ils alignent des moyens non négligeables, soit 18 pickups armés ainsi que des motos. La caserne est semble-t-il tenue par des éléments du 21ème Régiment d’Infanterie Motorisée.

Classique, le plan des insurgés est bien mis à exécution. Dans un premier temps, la base est isolée des points de contrôle à ses abords. Les positions du camp, mal conçues, sont ensuite la cible de tirs de suppression avec les mitrailleuses lourdes sur les 4×4 utilisés comme base de feu. Les emplacements des FAMa sont ensuite pris d’assaut. La caserne est partiellement investie par les jihadistes pendant plusieurs heures. Au bilan, 17 soldats des FAMa sont tués, 37 sont blessés et six autres portés disparus.

Point positif, Bamako réagit vite. Sans tergiverser, le pouvoir ordonne le renforcement de son dispositif dans la partie centrale du pays, et en particulier à Nampala. Un GTIA complet est déployé sur place. Par ailleurs, des positions défensives correctes sont aménagées par le génie. Cette rapidité est déterminante car il importe de ne pas laisser l’initiative aux fauteurs de troubles, comme en 2012.

Ailleurs, les opérations ne cessent pas non plus. Les FAMa restent actives. Grâce à cette détermination, le 26 juillet 2016, les forces spéciales maliennes capturent Abou Yehiya, un des cadres de la Katiba du Macina d’Ansar Eddine.

Le 31 juillet 2016, l’opération Eygaud est lancée, avec une colonne de 200 soldats des FAMa qu’appuient des éléments du dispositif Barkhane (27ème Bataillon de Chasseurs alpins). Au départ de Gao, ils « montrent le drapeau » dans une zone jusque-là délaissée, dans la région de Gourma.

Le 18 août, les FAMa sollicitent la MINUSMA pour que elle-ci aide les Maliens à augmenter la protection de leurs bases, mais aussi pour l’organisation de patrouilles conjointes et pour l’octroi d’appuis aériens en cas de nécessité.

En effet, malgré les efforts gouvernementaux, les jihadistes ne sont pas vaincus pour autant. Le 2 septembre 2016, ils réussissent à prendre et à tenir durant plusieurs heures la localité de Boni, à 70 kilomètres de Douenza. « Dommage collatéral », le ministre de la défense Tiéman Hubert Coulibaly est limogé le lendemain. Abdoulaye Idrissa Maïga le remplace.

Le 13 octobre, dans le centre du pays, une colonne de l’armée tombe dans une embuscade entre Diabali et Nampala. Celle-ci se déroule sur un mode également classique : des explosions sont déclenchées au passage de deux véhicules (vraisemblablement par des mines). Un camion-citerne et un véhicule de transport de troupes sont ainsi touchés. Les jihadistes attaquent ensuite. Au moins quatre soldats sont tués et sept autres blessés.

L’année 2016 s’achèvera alors que la situation sécuritaire se sera dégradée tout au long des douze mois écoulés. Le 30 octobre 2016, l’annonce d’un cessez-le-feu par Ançar Eddine, que dirige Iyad Ag-Ghaly constitue cependant un fragile espoir de voir la situation s’améliorer.

Les forces gouvernementales pourraient ainsi se focaliser sur les foyers insurrectionnels au centre et au sud du pays. Cependant, un accord officiel paraît complexe à entériner alors que le mouvement est présumé coupable de la mort de trois militaires français le 12 avril 2016 (voir la partie consacrée à l’Algérie).

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