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Alger V : échec et mat ?

Les pourparlers inter-maliens sommeillent. La diplomatie algérienne a perdu, elle, le sommeil. Les groupes armés maintiennent leurs revendications. Le gouvernement malien essaie d’être conciliant mais rejette toute référence à l’Azawad. Qui dit mieux, en termes de casse-tête ?

Abdoulaye Diop ministre malien  Affaires etrangeres Integration africaine Cooperation internationale alger

Alger V était attendu surtout après des reports successifs et le cauchemar sécuritaire autour de Tabankort et les risques possibles de métastase. Le premier à le comprendre était Modibo Keita. L’ancien haut représentant du chef de l’Etat pour les pourparlers inter-maliens avait sauté dans l’avion peu de temps après sa nomination comme Premier ministre.

Direction : Alger. Puis devant les parties prenantes, une allocution dans laquelle le pédagogue mit une séduisante application, comme si chaque mot avait un devoir d’exorcisme. Les congratulations de Bilal Ag Sherif ainsi que ses propos apaisants cachaient mal pourtant le plus grand malaise que le processus d’Alger avait jusque-là affronté.

L’hôte algérien avait dû rappeler Bamako à l’ordre une semaine plus tôt où Bamako avait substitué Moulaye Zeini à Abdoulaye à la rencontre d’évaluation des 5 et 6 janvier dont le principe était acquis en marge du dernier sommet d’Addis-Abeba et à laquelle n’étaient conviés que les…ministres des Affaires Etrangères. Lamamra, le chef de la diplomatie algérienne et médiateur en chef de la crise malienne ainsi que son homologue nigérien Bazoum n’en crurent pas leurs yeux.

Dans le même temps, les menaces d’embrasement dans le Nord malien se précisaient : Tabankort, après ses hécatombes de juillet, est redevenu en janvier, le théâtre d’affrontement entre Gatia et les mouvements de l’Azawad. Pour nombre des Maliens, un combat entre les loyalistes et les séparatistes. Donc entre le bien et le mal. Surtout que le « bien » communique bien.

Vers Alger VI ?
Sur sa page facebook, Gatia énumère ses victoires et n’a aucune peine à convaincre l’opinion malienne que les forces Barkhane et Minusma ont pris le parti de défendre les mouvements de l’Azawad. Au centre de son argumentation : le projet d’accord de faire de Tabankort une zone tampon qui renvoie les belligérants à leurs positions initiales.

La Minumsa jure que Bamako était bel et bien impliqué dans ces négociations et que les ministres Amadoun Konaté et Abdoulaye Diop à Alger  faisaient même partie de l’équipe qui, à Alger, a rédigé ledit projet d’accord. Mais le mal était fait : Gao se soulève et trois manifestants sont tués par les troupes de la Minusma.

Pour calmer les esprits, le président Ibrahim Boubacar Keita improvise une visite dans la cité des Askia. Il s’impose mais Alger est de braise. Les pourparlers à peine ouverts sont remis à trois jours plus tard. Lamamra, Mongi le nouveau chef de la Minusma, les représentants de la communauté internationale, s’arrachent les cheveux mais arrivent à arracher un accord de cessez-le feu.

Lequel est signé chacun sur une page séparée par, Abdoulaye Diop côté gouvernement malien, Bilal Ag Sherif au nom des séparatistes et Harouna Toureh au nom des mouvements loyalistes. La confiance règne vraiment. Si c’était la seule curiosité, on ne s’en plaindrait pas. Il s’y ajoute qu’à Alger c’est le blackout total. Les représentants de la communauté internationale et de l’Etat malien qui y sont observent un silence de carpe.

L’Agence de Presse Algérienne ne produit plus ses communiqués d’information. Seuls les mouvements communiquent à leurs bases par lesquelles on apprend que le processus est gelé pour l’instant. Mi-mars pour Alger VI, entend-on de leur côté. Mais on sait que Lamamra ne désarmera pas et qu’il remuera ciel et terre pour empêcher Alger VI et pour faire en sorte que les frères ennemis reviennent à la table.

Fédération ou rien
Le 17 février, citant Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun, un des nombreux communicants des groupes armés, les Studios Tamani, une des antennes chouchou de la capitale, annonce : «  la coordination des groupes armés renonce à l’appellation Azawad ». Tout est dans cette appellation : les sanglots d’une région marginale redevenue plus vulnérable depuis 2012, la justification de la rébellion, l’exigence d’une autre forme de gouvernance.  Le scoop valait donc son pesant d’or. Mais il n’a vécu que quelques heures.

Depuis Alger où il se trouve dans le cadre des pourparlers inter-maliens, Maouloud Ramadan, porte-parole du Mouvement arabe de l’Azawad, réplique sèchement sur la page facebook et tous les murs virtuels qui relaient « la cause » : « nous sommes venus défendre le mot Azawad et sa cause… Pas de recul même d’un iota ».

La parole portée était vraie : ce même 17 février, dans son mémorandum au médiateur algérien, la Coordination des Mouvements de l’Azawad renvoie tout le monde à la case-départ Pour certains responsables de ce mouvement, il ne s’agit nullement de volte-face ou de surenchère. Ils rappellent  que c’est la première fois qu’ils réagissent par écrit  depuis le début du processus d’Alger en juillet dernier.

Que dit le  mémorandum ? Il reconduit l’argumentaire initial des séparatistes : celui que l’Azawad est devenue une terre de sanglots et d’exodes massifs où la violence d’Etat a engendré en plus d’une « grande pauvreté » un « drame humain et une souffrance indicibles ».

Sur le mode plus jamais ça, les  rebelles exige un Etat fédéral crée par Bamako et  l’Azawad. Cela demanderait, bien sûr, de nouveaux arrangements institutionnels mais Bilal Ag Sherif anticipe : il faut une nouvelle constitution ; les symboles et les sceaux de l’Azawad devraient être pris en compte ; l’Etat fédéré aura son chef élu, son parlement, son gouvernement.

Une entité compatible avec les valeurs de l’islam ainsi qu’avec les traditions du peuple de l’Azawad ». Ce ne sera pas tout.  Pendant vingt cinq ans la moitié du Budget Spécial d’Investissement de la Fédération doit être consacrée au développement de l’Azawad. La sécurité de l’Azawad sera assurée par l’armée fédérale certes mais par des hommes venus à 90% de ce terroir.

Et pour être juste et équitable, des systèmes de quotas permettant une plus grande représentation de l’Azawad dans l’ensemble fédéral doivent être instaurés pour le recrutement dans l’administration publique, le gouvernement et les autres institutions.  Mopti, nouvelle capitale, assurera en plus de l’équidistance géographique, la bienveillance institutionnelle de ce montage proposé sans rire par les mouvements séparatistes. Mais qui ne fait pas rire à Bamako non plus.

Pour Bamako, pas question d’Azawad
Le gouvernement malien ne veut pas laisse s’en conter. Dans un mémorandum de 20 pages remis le 16 février au médiateur algérien, il relativise le concept de l’Azawad qui pour lui n’est qu’un petit terroir pastoral de la région de Tombouctou.  Ce nom ne correspondrait ainsi à aucun ensemble historique connu. Par conséquent, les prétentions des mouvements dits de l’Azawad n’ont aucun fondement recevable.

C’est, mise en pratique, l’approche de la vigilance terminologique invoquée par l’anthropologue français André Bourgeot qui, dans plusieurs de ses interventions, subodore la main de Paris derrière la surenchère irrédentiste dont Kidal est devenue la place forte depuis la sévère défaite de l’armée malienne du 21 mai 2014. Bamako déclare que l’Azawad « n’est ni l’émanation des populations des régions concernées ni un vocable du lexique de l’Administration coloniale ou de l’Administration malienne dans l’acception à lui confiée par l’une des parties ».

Par conséquent, le gouvernement malien propose que le terme d’Azawad ne soit pas retenu dans l’accord. C’est-à-dire ce qu’on appelle le projet de préaccord remis à toutes les parties, cet été, par le médiateur algérien. Pour le Sénat demandé par les mouvements, pas d’objection.

C’est oui  également pour le principe de la démobilisation-réinsertion (Ddr) à des conditions et dans des directions nommées : fonction publique globale ou fonction publique territoriale, forces armées et de sécurité, etc ; Pour les déserteurs, le cas par cas est proposé. En revanche, le système de quota est rejeté. Rejeté également le terme de génocide utilisé par les groupes armés. Bamako exige enfin le cantonnement  des troupes rebelles trente jours  après la signature de l’accord.

Au total, le mémorandum du gouvernement aborde surtout les questions de forme, propose des amendements à certaines formulations. Pour un diplomate en poste dans la capitale malienne, Bamako donne beaucoup de gages de bonne foi. « Si le groupes armés jettent du lest, rien ne s’opposera alors à la signature d’un accord ».

Quand ? Bien malin qui pourra le dire !

Adam Thiam

Source: Lerepublicainmali

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