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Adam tombe les armes à la main

Il s’est battu avec ses moyens, la plume et le micro, saisissant les tribunes les plus audibles, pour se faire entendre, défendre les causes nobles : la liberté d’expression, la dignité humaine, la paix et la sécurité, la cohésion, l’entente et le développement, tant au niveau national qu’africain et international. On le trouvera sur le front politique, économique, social et culturel, sur des questions nationales importantes, comme la démocratie pluraliste, la coopération internationale, la paix dans le nord et le centre du Mali, qui ont occupé le devant de la scène, ces dernières décennies. Cette situation d’instabilité au nord et au centre lui inspire une publication intitulée : « Centre du Mali : Enjeux et dangers d’une crise négligée ». Sur ces questions existentielles pour notre pays, l’homme nourrissait des idées, qu’il comptait pouvoir matérialiser, quand la grande faucheuse vint s’interposer. Adam tombe armés de projets.

A côté des sujets ci-dessus évoqués, on ne s’attendait pas moins de le retrouver le journaliste sur des sujets plus détendus comme le sport, la musique, la littérature, le genre. Adam avait la particularité d’occuper plusieurs fronts en même temps, où qu’il se trouve, et qu’importe le pays concerné par l’actualité. Quand il voyage et qu’on attend de lui un article sur l’objet de son déplacement, généralement un évènement d’envergure, au Mali ou hors du pays ou du continent, j’étais habitué à un exercice de nerfs. Je comptais sur de tel papier pour en faire la Une de l’édition attendue. Journaliste de talent, il avait la subtilité de m’envoyer en première un commentaire sur un match de l’équipe nationale, disputé la veille, ou le portrait d’un artiste du super biton de Ségou (un orchestre), ou sur une prestation de Toumani Diabaté. En découvrant qu’il ne s’agissait pas de l’article attendu, j’imaginais alors, le large sourire qu’il serait en train de faire à l’instant sur son ordinateur, tant il trouvait du plaisir à agencer les mots, pour donner à la phrase et plus globalement au texte la mélodie rêvée, tel un guitariste fait ses accords de cordes, avant chaque morceau. Un article, c’était plus qu’une information pour notre ainé Adam Thiam, avec qui nous apprenions chaque jour de sa seule présence, car parole venant de lui avait du sens, du contenu dans une formule rare. Son article de fond tombe quelques instants après un article sportif, culturel, ou entrefilet ‘’fou rire’’, comme « de quoi je me mêle », qui a fini par s’imposer.

Au journal Le Républicain

Le journaliste était d’une constance imperturbable sur la régularité de la ‘’Chronique du vendredi’’, l’éditorial et sa rubrique humoristique, « de quoi je me mêle », qu’il soit au Mali ou non. Avec lui, il y avait un petit protocole sur lequel je veillais prudemment. Quand il envoie un article à 17h, ça se passait généralement avec la chronique et l’éditorial, et souvent « de quoi je me mêle », je me gardais de le valider au niveau du maquettiste jusqu’à 21h et souvent au delà, pour une simple raison. Perfectionniste de la langue de Molière, je m’attendais à tout moment à un appel du journaliste Adam Thiam, pour annoncer une seconde version de son article, ou pour revoir une phrase ou un passage du texte. Ce protocole je m’y attelais car je trouvais pertinentes, les modifications qu’il apportait. Chaque fois le texte devenait beaucoup plus fluide et raffiné, il y passe et repasse tel un potier qui modèle son œuvre. Il tenait ardemment à ce que je relise ses papiers et était généralement d’accord avec mes remarques. Cela me paraissait très important, et notre protocole était respecté à la lettre. Ne pas le respecter ? Je n’y songeais même pas, car Adam en serait réellement malade, si on se trompait de copie lors du montage des articles dans le journal.

 

La nouvelle foudroyante gâche la nuit du 18 mars

A l’annonce de la disparition d’Adam Thiam, comment fermer l’œil cette nuit du 18 mars. A peine arrivé à la maison et après une douche, je constate que j’étais appelé coup sur coup d’un ami du lycée et qui travaille dans les media. Il est un ami d’Adam, après le décès de Thierno Ahmed Thiam, qui était son idole. Lui et moi ne nous voyons jamais, sans parler de Thierno Ahmed Thiam et de Adam Thiam. Il discutait amicalement de cette comparaison avec Adam Thiam, qui ne s’avouait pas médiocre, même s’il reconnaissait l’excellence de son frère ainé, dont un de son deuxième garçon porte le nom. En filigrane, son frère ainé comme modèle, chroniqueur à la radio et télévision nationale, il était la coqueluche de l’émission jouvence, une émission télé dédiée aux jeunes, mais dont les moins jeunes s’en délectaient tous les samedis soir. Je décide d’appeler Ananias, quand un autre appel balaie l’écran de mon téléphone. Ce n’est pas Assoun Ananias Diarra, mais un collègue du journal Le Républicain, le Directeur commercial Hamada qui attire mon attention sur ce qu’il a vu sur les réseaux sociaux : le décès d’Adam Thiam. Je cherche à confirmer et la nuit est gâchée. Il était 23 heures passées. Toute la nuit c’est le film d’une vie commune au Républicain qui défilait sous mes yeux, chassant méchamment le sommeil.

A la découverte de Adam Thiam

Nouvellement arrivé au Républicain en 1995, un jour mon directeur de publication Ibrahima Traoré dit Franki, suivait de près, l’arrivée par fax d’un article d’Adam Thiam, sur un refus du président malien, Alpha Oumar Konaré d’aller rencontrer à Dakar, Jacques Chirac, nouvellement élu président de la République Française. Je ne connaissais pas Adam Thiam, je m’informe. On me dit que le Monsieur est à Boston, après des études à Dakar. Je devinais qu’il était quelqu’un digne d’intérêt. Le papier tombe du fax, le directeur y jette un coup d’œil et demande qu’il soit saisi rapidement. Je cite de mémoire le titre sur le refus d’Alpha d’aller à Dakar : « risque calculé ou calcul risqué ? », s’interrogeait-il. c’est mon premier contact avec l’homme par article interposé. Puis d’autres papiers ont suivi. Revenu à Bamako, le fameux monsieur nous rend visite à la rédaction du Républicain à Badalabougou. Puis, il y venait régulièrement, écrire son papier. Adam Thiam a travaillé dans plusieurs ONG, comme Accord, Oxfam, mais aussi étatique, comme le Fonds de Solidarité du Mali. Ces activités d’ONG ont pétri l’homme dans la connaissance des questions de développement, du centre et du nord du Mali.

Au journal Le Républicain, Adam Thiam a occupé des postes de responsabilité (directeur de publication puis administrateur délégué), certes éphémères, avant de prendre ses distances pour créer Tarik Hebdo. Mais le lion ne s’éloignait jamais de sa tanière. Il y revient avant de repartir créer Arewane Express. Il collabore avec Jeune Afrique, mais aussi le site d’information Maliweb.net et d’autres.

Il se stabilise finalement dans le rôle de conseiller des chefs d’Etat, tour à tour du président Alpha Oumar Konaré à l’Union africaine, de Dioncounda Traoré, président par intérim sous la transition de 2012-2013, du président Ibrahim Boubacar Kéita, et du président Bah NDaou.

Le « Janjo », l’hommage aux braves, venait à l’improviste, pour célébrer une femme, un homme, qui peut être un inconnu du public, une célébrité, ou un illustre défunt, pour lui rendre hommage, d’un acte de bravoure ou de ses hauts faits. Qui chantera le Janjo pour notre ainé Adam Thiam ? Notre confrère et frère ainé mérite bien qu’on lui chante le « Janjo », mais nous avons les épaules trop frêles pour porter haut le rôle, et notre voix ne porte pas assez, pour dire le Janjo à haute et intelligible voix. Ce rôle sera réservé à Tiebilé Dramé, à Sidi El Moctar Kounta, tes compagnons inséparables, à Serge Daniel, Alexis Kalembry, Me Mamadou Konaté, Chahana Takiou, Sekou Tangara, Baba Dakono, Cheick Oumar Konaré et tous ceux qui ont partagé avec toi le plateau du « débat de dimanche » d’Africable. Tous réalisent Adam Thiam, que tu nous a quitté, et que nos cris en sourdine, nos larmes en silence, et rien ne pourra te faire changer de destination. Adam Thiam, tu ne me demanderas plus les nouvelles d’Adam Daou, qui étudie à l’étranger et qui refuse de croire ce qu’elle a vu sur les réseaux sociaux, me demandant et redemandant si c’est vrai. « C’est vrai, ma fille, nous perdons Adam Thiam à jamais », dis-je, avant de couper, pour qu’elle ne se rende compte de la faiblesse dans ma voix, de ma faiblesse face à la décision fatale, mais divine quand même. C’est donc la bienvenue. Puisqu’il en est ainsi, nous t’accompagnons dans ta dernière demeure, afin que tu y trouves la grâce divine, la félicité et l’abondance infinie du Maître des mondes. Que ton sens du partage dont tout le monde parle, ta générosité débordante et ton sens de l’humour pour détendre les cœurs les plus durs, te servent de couverture, et que les portes du paradis te soient ouvertes, qu’il soit ta demeure éternelle. La famille Konaré et Dramé, Kadiatou dite Atou, Djeneba Dicko, et nos enfants Raki, Jaafar, Thierno et Aïssata dite Aye, en chœur nous te disons : « dors en paix, notre frère, père, époux et tonton que nous avons aimé! ».

Tu laisses derrière toi, un monde inconsolable d’amis, de frères, de sœurs, d’épouse et de fils, qui, à l’unisson aideront à relever le défi de la relève, qui est assurée.

L’unanimité est presque faite sur sa générosité. Adam Thiam aimait aider et aidait même s’il n’en avait pas lui-même. « J’ai eu la chance de connaitre l’autre Adam Thiam, pas le journaliste, l’éditorialiste, l’intellectuel. J’ai eu la chance de le connaitre en tant qu’humain, quelqu’un qui est humaniste, très sensible aux causes des autres, aux doléances des autres. Je l’ai vu, il a souffert pour les autres, Adam, il n’aimait pas que les gens souffrent. C’est cet humaniste que je retiens », m’a confié un diplomate, représentant d’un grand pays au Mali. Un bon résumé de sa vie. Dors en paix Adam Thiam.

  1. Daou

Source: Le Républicain- Mali

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