La rumeur de la mort de mon cousin semble lui avoir conféré une nouvelle âme. Il semble reprendre du poil de la bête. En effet, à entendre mon cousin faire une nouvelle fois sa profession de foi, sur un air grave et solennel, on croirait écouter un messie. À tout le moins, quelqu’un qui serait inspiré par Dieu.

J’aurais osé dire enfin, si je n’étais pas pessimiste quant à la réalisation des nouvelles résolutions que semble se donner mon cousin adoré. Dans ses déclarations tonitruantes à l’occasion de la cérémonie de présentation de vœux, à lui-même justement, j’ai eu l’impression, plutôt le sentiment, qu’il y avait un air de déjà-entendu, de déjà-vu. Je ne crois que mon cousin ait lu l’écrivain nigérian Wole Soyinka. Lequel pense que «Un tigre ne proclame pas sa tigritude. Il bondit sur sa proie et la dévore». Mon cousin voit autrement les choses.

Cependant, il a été vraiment élégant, mon cousin. Oui, quelle élégance que d’admettre son échec ! J’ai en fait admiré dans ses déclarations la reconnaissance de la véracité de tout qu’on disait de lui jusqu’à présent. Oui, mon cousin, soi-même, reconnaît que les choses doivent changer et promet d’y veiller personnellement.

En revanche, cousin, il est moins élégant de ta part de faire porter le chapeau de tes échecs à tes collaborateurs et ton entourage, lors même que la légitimité et la légalité de la charge qui est la tienne ne souffrent d’aucune contestation possible. Tu le dis toi-même : «Quand un peuple fait confiance à la hauteur qui a été la nôtre, nous n’avons pas le droit de décevoir, d’aucune façon…». Et pourtant, cousin, tu as déçu les Maliens.

C’est parce que tu en es convaincu que tu te donnes un nouveau critère de compagnonnage : «Vous êtes un homme d’une loyauté parfaite, Monsieur le Premier ministre, sans calcul, sans agenda caché, sans malice, tout dédié au Mali, tout dévoué au Mali. Plaise au Ciel que ce soit le cas de tous vos collaborateurs. Plaise au Ciel que ce soit le cas de tous ceux qui vous entourent et qui m’entourent. Chaque vendredi, l’Imam Traoré de ma mosquée me dit (Mahmoud Dicko vient de le dire aussi) : qu’Allah te donne des collaborateurs à hauteur de souhait.

À l’instar de l’Imam Traoré, je formule le même vœu. Néanmoins, pour que ça reste entre nous Maliens, je voudrais te rappeler ceci en bamanankan : «Môgô ye togo de bè ika batigèsara nogoya». Une évidence, cousin, le maçon qui dort au pied de l’ouvrage ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude.

Issiaka SISSOKO

Source : Reporter