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21 mai 2014 : Un an après le mercredi noir, Film, bilan et conséquences de la visite de Mara

Un an après les évènements de Kidal du 21 mai 2014, indiqués aussi sous le vocable de mercredi noir, la Commission d’enquêtes parlementaires mise en place pour élucider bien des coins d’ombre de la visite du Premier ministre de l’époque, Moussa Mara du 17 mai et ses conséquences, n’a pas encore finalisé son rapport. Où en est-elle ? « On n’a pas encore fini avec les travaux, le rapport n’est pas disponible », nous a répondu le président de cette commission contacté hier. De son côté, le Directeur de la DIRPA n’est pas plus précis : des soldats tombés, il y eu des disparus et des gens décédés suite à leurs blessures. Donc plusieurs documents sont à rechercher et à comparer. Qu’est ce qui s’est passé lors de cette visite du 17 mai à Kidal ? Quel est le bilan des évènements du 21 mai, consécutifs à cette visite ? Quels en sont les acteurs et les conséquences politiques ? Retour sur un évènement qui a plongé notre pays dans un gouffre sans fond. A cause de la dérive de certains.

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Le film des évènements
Le Républicain revient sur certains actes permettant de mieux appréhender ce tournant dont les difficultés rencontrées par notre pays dans la reconquête de sa souveraineté sur l’ensemble du territoire, découlent sans doute de ses conséquences.
Le 16 mai, avec la décision du Premier ministre de se rendre à Kidal, les ministres se rendent à Tombouctou. Puis, ils font cap sur Kidal. Malgré la réserve de certains ministres, de Serval, de la MINUSMA, et même des services de sécurité (SE), sur l’opportunité du  voyage, le Premier ministre, Moussa Mara insiste et maintient sa décision. Les ministres font le tour sur Kidal, l’avion ne pouvant atterrir, ils vont se poser à Gao. Et Soumeylou Boubèye est malade, sa tension baisse. Il est évacué sanitaire à Bamako.
Le 17 à Kidal, le 18 à Gao, où il déclare le Mali en guerre. Le 18 mai, au soir, Mara est triomphalement accueilli à l’aéroport de  Bamako Senou. A l’accueil, Soumeylou Boubèye Maiga, Karim Kéita et une foule nombreuse, dont le déplacement à l’aéroport aurait été financé par Mara. De l’aéroport, le Premier ministre se rend chez IBK à Sébénikoro, escorté par six motards, au lieu de deux habituels. Une partie de sa visite qu’il a cachée à sa délégation. En effet, Mara a caché aux ministres qu’il avait audience avec le Président qui l’a reçu seul à Sébénikoro, où il fait son compte rendu à l’insu de ceux des ministres qui ont risqué la vie avec lui.
– Le 19 mai au congrès de l’IMAMA, Mara déclare que l’armée malienne a les moyens de prendre Kidal. Puis, Mara et Soumeylou sont à l’Assemblée nationale (Commission défense), pour un débat à huis clos avec les députés. Les élus RPM, qui ne croient pas qu’il était malade, reprochent à Soumeylou Boubèye Maiga, son absence à Kidal. Ils le mettent au pilori en insinuant que cette absence avait d’autres raisons. Mara le défend en disant que c’est lui-même qui l’en avait autorisé.
Le 21 mai, l’assaut est donné pour reprendre le gouvernorat. Peu avant midi, l’information de la prise du gouvernorat de Kidal par l’armée malienne parvient au conseil des ministres. Le président et les ministres se congratulent. Mais le fait le plus marquant c’est que le Président de la République félicite le Premier ministre : « Mr le Premier ministre vous êtes un héro, il y a Premier ministre et Premier ministre ». Le Président de la République, le Premier ministre et les ministres se congratulent au Conseil des ministres. Le ministre de la Défense rédige un communiqué en son nom : l’opération vise à sécuriser les personnes et les biens. Le site de la Présidence et le ministre de la Communication sur Twitter, annoncent triomphalement la reprise du gouvernorat.
A partir de 14 heures, les mauvaises nouvelles du front arrivent, c’est la consternation, la honte et l’humiliation. Les morts, les blessés, les prisonniers se comptent par dizaines. La déroute de l’armée est connue. Selon plusieurs sources diplomatiques près de 900 soldats maliens se sont réfugiés dans les différentes garnisons de la MINUSMA à Kidal, Ménaka, Andéraboukane, Tessalit, Aguel’hoc. Donc c’est l’humiliation de l’armée, de la nation toute entière. IBK s’enferme à Koulouba, personne n’a accès à lui, la honte est sur tous les visages. Péniblement à 22 heures, le porte-parole du gouvernement lit un communiqué pour dire que le Président de la République « instruit un cessez-le-feu immédiat ».
La défaite est orpheline. Le Président de la République, le Premier ministre et le gouvernement se déchargent sur l’armée. « Les politiques n’ont pas donné l’ordre ». Les troupes sont montées à Kidal sans ordre, les coups de feu sont partis tout seul. La commission d’enquêtes parlementaires édifiera le peuple malien sur la responsabilité des uns et des autres.
B. Daou
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Bilan
Le ministère de la Défense et des anciens combattants  a donné son bilan de la visite de Mara le 17 mai, mais celui de la guerre du 21 mai reste encore dans les secrets. Refus de rendre compte au peuple, parce qu’on n’est pas à la barre ? Là encore les regards sont tournés vers la Commission d’enquêtes parlementaires dirigée par le Général Niamey Kéita.

De la visite de Mara du samedi 17 mai 2014, le ministère de la Défense et des anciens combattants a indiqué dans un communiqué : « les Forces Armées et de sécurité maliennes, dans l’accomplissement de leurs missions de sécurisation du séjour du Premier ministre et sa délégation à Kidal, ont eu à faire face à des actes de violence et d’agression perpétrés par le MNLA appuyé par des éléments des groupes terroristes. Au cours des affrontements, les Forces armées maliennes ont enregistré huit (8) morts et vingt-cinq (25) blessés tandis que vingt-huit (28) morts et soixante et deux (62) blessés ont été dénombrés du côté des agresseurs. » Le communiqué précisait « nos forces ont repris le contrôle de tous les bâtiments administratifs à l’exception pour le moment du Gouvernorat où le MNLA et les terroristes détiennent une trentaine de fonctionnaires en otages ». Le ministre rassure nos concitoyens que conformément aux instructions du président de la république, chef suprême des armées, toutes les mesures conséquentes seront prises pour garantir la sécurité des personnes et de leurs biens à Kidal, consolider la souveraineté de l’Etat et protéger le processus de dialogue politique, selon le communiqué. Concernant les évènements du 21 mai, c’est le porte-parole du gouvernement qui lit un communiqué pour dire que le Président de la République « instruit un cessez-le-feu immédiat ».
Le soir du 21, Moussa Ag Assarid, un responsable du MNLA, affirme que la coalition des groupes armés a enregistré quatre morts et huit blessés. Le 22 mai, Mossa Ag Attaher, porte-parole du MNLA, affirme que les pertes de l’armée malienne sont d’environ 40 morts, 50 blessés et 70 prisonniers, tandis que les pertes du MNLA ne sont selon lui que de deux morts et d’une dizaine de blessés, indique Wikipedia. Il déclare également que les Maliens ont abandonné 50 pick-up et que 12 blindés ont été capturés. Le même jour, interrogé par Jeune Afrique, Bilal Ag Acherif, secrétaire-général du MNLA, estime également les pertes maliennes à une quarantaine d’hommes au moins contre deux tués pour le MNLA, mais il ne parle que de 14 prisonniers, indiquant toutefois que les captifs blessés ont été remis à la MINUSMA.
Selon le ministre malien de la Défense Soumeylou Boubèye Maïga, 97 soldats maliens, dont 22 blessés, ont trouvé refuge au Camp 2, tenu par les forces de l’ONU.
Le 23 mai, à Ouagadougou, des représentants du MNLA, HCUA et MAA indiquent que le décompte des victimes maliennes se poursuit mais que pour l’heure les pertes des forces maliennes dans les affrontements du 21 mai sont d’environ 50 tués, 50 blessés remis au CICR et près de 100 prisonniers. Les pertes en équipement sont de 4 « chars »BRDM, 10 camions de transport, 2 citernes, 50 véhicules 4×4 « flambants neuf offert par l’UE aux FAMA » et plusieurs tonnes de minutions. Le 24 mai, le HCUA affirme avoir fait 33 prisonniers.
Le 25 mai, Soumeylou Boubèye Maïga, le ministre malien de la défense, reconnait que les pertes des forces maliennes sont d’une cinquantaine de morts et de 48 blessés. Il ajoute : « De l’autre côté, on ne connaît pas leur bilan, on sait qu’eux aussi ont eu des pertes », indique Wikipedia.
Le 26, les soldats maliens capturés par les rebelles reçoivent la visite de membres du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Selon les humanitaires, les groupes armés détiennent au moins 50 prisonniers, dont 32 par le HCUA et 18 par le MNLA.
Des corps de militaires auraient été découverts dans le désert plusieurs jours après les combats et le bilan de la bataille du 21 mai serait, « selon des sources concordantes », de 58 morts, 50 blessés, 73 disparus et 40 prisonniers. Le 5 juin, le journal malien L’Indépendant affirme que selon des sources proches des forces internationales présentes à Kidal, 120 rebelles ont été tués et beaucoup d’autres blessés lors des combats du 21.
Une trentaine de policiers sont également portés disparus au terme des évènements de Kidal. Le 8 juin le Syndicat de la police nationale (SPN) déclare qu’« il est regrettable de constater qu’au niveau de la direction général, il n’y a aucun chiffre ni de donnée sur la situation des policiers tombés à Kidal ». 88 policiers avaient été mutés dans cette ville, ils ne disposaient pas d’armes et n’étaient équipés que de matraques. Selon le bilan annoncé le 28 juin par le Syndicat de la police nationale, 85 policiers étaient présents à Kidal le jour de la bataille, leurs pertes sont de 4 morts, 6 blessés, 2 disparus et 28 prisonniers, dont 24 détenus par le HCUA et 4 par le MNLA.
B. Daou
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Conséquences politiques et les acteurs
La fuite des hautes autorités de leur responsabilité et le refus d’assumer les conséquences de leur gestion de la question du nord, notamment les conséquences de la visite à Kidal du Premier ministre Moussa Mara présageaient des lendemains tumultueux au sommet de l’Etat. L’instinct de survie devenait dominant chez les acteurs du système. Entre le Président de la République Ibrahim Boubacar Kéita, le Premier ministre Moussa Mara, le ministre de la Défense Soumeylou Boubey Maïga, c’est devenu le sauve-qui-peut !
Les conséquences ne se limitent pas au limogeage du ministre de la Défense, le Mali a perdu sa souveraineté sur Kidal et de nombreuses localités dont Menaka, qui est devenu aujourd’hui le nœud gordien de la crise du nord. Après les évènements du 21 et le cessez le feu du 23 mai, l’Etat malien fut obligé de se soumettre à d’interminables négociations avec les rebelles sous la médiation algérienne. Au lendemain de cette date, notre pays perdait la ville de Kidal, le gouverneur étant contraint d’abandonner la ville, le drapeau malien qui y flottait avant la visite de Mara, y est aujourd’hui piétiné au vu et au su de tous. L’ORTM n’émet plus à Kidal. A la date du 17 mai, notre armée était belle et bien à Kidal, aujourd’hui non. C’est la Coordination des Mouvements de l’Azawad qui gère Kidal.
A Bamako, au lendemain des évènements tragique de Kidal, l’heure des comptes a sonné. La recherche du bouc émissaire a commencé. Le régime cherche à se décharger sur l’armée. Le Président n’a pas donné l’ordre… l’ordre ne vient du Premier ministre. Le ministre de la Communication silonne Paris, Bruxelles, New York, France24, RFI, TV5, les colonies maliennes à l’extérieur, pour répandre la vérité officielle à travers les continents. La hiérarchie militaire est indexée, mais dans les allées du pouvoir, le ministre de la Défense aussi.
Samedi 25 et dimanche, Soumeylou Boubèye essaie de se défendre. Il « sait » que le RPM veut sa place, mais il se battra. Il est choqué que Mara et Camara indexent la hiérarchie militaire. Il « ne se laissera pas faire », dit-il fermement.
Mardi 27 à l’Assemblée nationale, le président de la Commission de Défense, Karim Kéita invite l’ORTM à envoyer une équipe à la Commission défense, qui doit entendre le ministre de la Défense, sur sa responsabilité dans la débâcle de l’armée à Kidal. Soumeylou Boubèye Maiga arrive confiant à l’Assemblée nationale, après tout, Karim Kéita est son ami. Surprise : c’est le lynchage. Remontés, les députés RPM rendent Soumeylou Boubèye responsable de la défaite militaire, lui rappelle son absence à Kidal le 21 mai lors de la visite de Mara.
Soumeylou se rend à Koulouba, le Président l’accueille froidement. Les explications sont rudes. Le ministre de la Défense est invité à rendre sa démission. A 22 heures, l’ORTM annonce le remplacement de Soumeylou Boubèye par Bah N’Daou.
Le samedi 30 mai, forum des femmes de l’ASMA au CICB
Après avoir quitté le gouvernement, lors du forum des femmes de l’ASMA, l’ancien ministre de la Défense et des Anciens Combattants, Soumeylou Boubèye annonce que les trois députés de sa formation vont demander la création d’une commission d’enquêtes parlementaires, qui permettrait de faire la lumière sur les évènements de Kidal du 21 mai, de répondre aux questions, qui était en contact avec l’armée, qui a donné l’ordre ? Il informe les membres de son parti qu’il dispose de preuves téléphoniques et des SMS. Ses services et d’autres services disposent de relevés de communication (téléphones et SMS) prouvant que d’autres étaient en contact avec les militaires au front. La crise avait sans doute connu un rebondissement. Soumeylou Boubèye Maïga avait donc décidé de rompre le silence. Nous étions déjà dans une grave crise politique. Elle prenait d’autres proportions avec ces propos de l’ancien ministre de la Défense.
Les représentants du peuple ont mis en place, cette commission pour déterminer qui, de Mara ou d’IBK était en contact avec les responsables militaires. Qui est responsable de la tragédie, de la débâcle, de l’humiliation ? Car ne l’oublions jamais, au-delà de la responsabilité de Mara, de IBK ou de Soumeylou Boubèye Maiga, il y a eu des centaines de morts, de blessés, de veuves et d’orphelins.

B. Daou

Source: Lerepublicainmali

 

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